Vous avez, très rapidement, exprimé votre opposition au projet de résiliation infra-annuelle des contrats santé, participant ainsi à un mouvement de l’ensemble des opérateurs. N’est-ce pas là l’expression d’une réaction de place ?
Absolument pas. Je défie quiconque de contester le bien-fondé de nos arguments techniques, et de l’impact que cela va avoir sur le prix des contrats. En ce domaine, comme en bien d’autres, ce que nous craignons, c’est une remise en cause d’un modèle solidaire d’assurance, et par voie de conséquence un renchérissement des contrats santé, notamment pour les plus fragiles d’entre nous. Politiques et médias oublient trop rapidement que les mutuelles sont créées et gérées par leurs adhérents et qu’en défendant leur modèle, elles défendent le public.
Pourtant, le gouvernement semble tirer les enseignements de la mesure pour ce qui concerne d’autres types d’assurances, comme en automobile.
Vous avez raison de dire « autres types d’assurances ». Les modalités d’intervention sont tout à fait différentes. D’abord par ce que le risque que nous portons est complémentaire de celui de la Sécurité sociale et nous ne pouvons donc pas agir dessus, au contraire de l’automobile. Ensuite, parce que les pouvoirs publics ont défini nos prestations à travers les contrats responsables, qui ne le sont pas d’ailleurs. Enfin, une forme de sélection, via le bonus-malus existe en automobile et, bien heureusement, elle ne peut intervenir en santé.
Au passage, je m’étonne que nos brillants économistes n’aient pas relevé que la mise en concurrence envisagée relève du pur fantasme. En effet, pour qu’il y ait concurrence, il faut que les acteurs considérés aient la pleine maîtrise de leur « produit ». Ce qui n’est pas le cas pour les raisons que je viens d’évoquer : pilotage du risque par un tiers, la Sécurité sociale et donc l’État, et définition des prestations servies par ce dernier. Notre concurrence ne repose donc que sur la communication, ce qui est très inflationniste.
Les frais de gestion sont une nouvelle fois au centre du débat. Comment faire la part des choses ?
Nos détracteurs désignent, de façon globale, les frais de gestion en mettant dedans toutes les sommes qui ne sont pas des prestations. Nous préférons aborder la question sous l’angle du rapport entre prestations et cotisations, et l’explication de ce qui n’est pas de l’ordre de la prestation directe.
Car la cotisation ne recouvre pas seulement d’un côté la prestation, de l’autre côté la gestion. Elle permet de financer nombre d’éléments, comme la gestion technique du risque et, surtout, l’aléa moral, l’antiselection et la solidarité intergénérationnelle.
En amplifiant le risque de mobilité, la résiliation infra-annuelle va pousser les organismes à se recentrer sur le financement du risque lui-même. Les frais administratifs de gestion, même s’ils peuvent peut-être être optimisés, ne peuvent être l’alpha et l’oméga des baisses de tarifs. Et donc les efforts porteront sur les autres éléments, totalement inconnus du grand public. Cela pourrait bien prendre la forme d’augmentations tarifaires importantes et ciblées (notamment chez les seniors), ou le retour de pratiques telles que les périodes de carence pour pouvoir diminuer le risque que fait porter une résiliation sur des prestations nécessitant une période longue d’amortissement. Car sans cette durée, impossible de maintenir les tarifs, notamment dans des domaines comme l’implantologie dentaire.
Là encore, la concurrence ne serait que purement virtuelle. Aujourd’hui, une fois par an, nos adhérents peuvent décider de nous quitter. Demain, ils auront le droit de le faire à tout moment, mais des barrières importantes seront mises en place pour les en dissuader. À quoi sert de partir, si votre nouvel opérateur vous impose 6 mois de délais avant de vous faire soigner. Autant de raisons de penser que cette évolution ne va pas dans le sens d’un meilleur accès aux soins.
Quel est votre sentiment général sur la conduite de ce type de dossiers ?
Nombreux sont les hommes politiques qui affirment que « ce ne sont pas les sondages qui gouvernent ». Et pourtant, nos gouvernants sont sous la coupe des études d’opinion. La résiliation en est l’exemple parfait. Il faut sortir de la crise des gilets jaunes, le thème du pouvoir d’achat étant prioritaire. Et comme depuis plusieurs mois, a été organisé un véritable climat de « mutuelle bashing », il est facile de jeter nos mutuelles en pâture. Mais c’est un véritable boomerang, car les décideurs politiques ne peuvent pas faire abstraction des règles qu’ils nous imposent par ailleurs. Et il ne se passera pas beaucoup de temps avant que les Français constatent les effets pervers de la mesure.
La méthode présidentielle ne relève donc que du discours. À aucun moment, le gouvernement n’a tenu compte des avis des composantes de la société civile que nous sommes. Au point d’ailleurs d’économiser le temps de la consultation sur certains dossiers comme celui-ci. Jamais, la décision publique n’a autant relevé de l’exercice solitaire et dogmatique du pouvoir.
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