Le Fond’Action Entrain, émanation de la mutuelle éponyme (qui se présente comme « le 1er réseau d’agences mutualiste cheminot »), organisait ce mardi 14 mai sa 2e conférence santé, intitulée « Épigénétique, un nouvel atout pour être acteur de sa santé ».
La première rencontre, en mars 2017, avait pour thème la prévention des addictions (voir Fil-Social n°22986).
Cette matinée fut aussi consacrée à la promotion du nouvel outil de prévention, lancé en mars dernier par la mutuelle. Il s’agit de Prev’entrain, une application mobile santé et bien-être « gratuite » mise à la disposition des adhérents. Les guillemets encadrant « gratuite » s’imposent : il a été répété plusieurs fois que cette application fait partie des prestations et est donc bien financée par les cotisations des adhérents. En effet, ainsi que le rappelle Olivier Techec, président de l’organisme, « quand une application est gratuite, c’est vous qui êtes le produit ».
Quant à l’épigénétique, selon l’Inserm, « alors que la génétique correspond à l’étude des gènes, l’épigénétique s’intéresse à une ‘couche’ d’informations complémentaires qui définit comment ces gènes vont être utilisés par une cellule… ou ne pas l’être ».
Prévention et responsabilité individuelle
C’est Sarah Dognin dit Cruissat, pharmacologue-nutritionniste-toxicochimiste, qui présente les bienfaits que l’on peut attendre de l’utilisation de l’épigénétique. Pour résumer, il s’agit d’arriver à un « équilibre dynamique » qui correspond à la façon dont le corps fonctionne, ou devrait fonctionner. Comment ? « Par nos comportements [en matière d’alimentation, d’oxygénation, de motivation], il y a la possibilité d’agir sur nos gênes ». Sans entrer dans le détail, cela peut aider à « devenir responsable de sa santé ».
Ce thème de la responsabilité individuelle est développé, avec des réserves, par Philippe Pujol, auteur du livre Marseille, 2040 – le jour où notre système de santé craquera.
Pour lui, en effet, notre « système de santé n’est pas fait pour nous laisser libres de nos décisions ». Est en cause sa construction, qui « répondait aux besoins de médecine réparatrice et non préventive de l’époque ».
Il estime cependant que la prévention prendra une place de plus en plus importante mais si, « sur le papier, on peut imaginer un système où chacun pourrait devenir maître de sa santé, les réalités de terrain s’imposent ». En particulier, constate-t-il, les acteurs de prévention rencontrent de grandes difficultés pour toucher certaines catégories de population, que ce soit pour des raisons culturelles (il cite le cas d’une communauté de gitans sédentarisés qu’il a étudiée) ou socio-économiques. Les inégalités de santé existent bien et elles ne sont pas toutes liées aux gènes mais aussi aux conditions de vie.
Pour une prévention qui touche l’ensemble de la population
Olivier Techec appuie ces propos en expliquant que les mutuelles ont été conçues, à l’origine, pour prendre en charge le curatif. Ce qui ne les a pas empêchées de travailler depuis longtemps sur le préventif « mais les populations ne sont pas toujours réceptives ». Un autre frein est d’ordre économique : pour elles et pour leurs adhérents, « la prévention égale des dépenses ».
Pour pallier le premier problème, il voit une piste de réflexion intéressante dans le programme Vitality lancé en 2016 par l’assureur Generali (les comportements « vertueux » des assurés en santé sont récompensés par des bons d’achat chez les partenaires voir Fil-Social n°20714) et (voir Fil-Social n°25769). Pour lui, il ne s’agit pas de copier mais de réfléchir afin de voir si une solution mutualiste et solidaire peut s’en inspirer. « Il faut que les mutuelles s’emparent de la question, avec leurs valeurs, afin de ne pas laisser le champ libre au lucratif », estime-t-il.
L’objectif, pour lui, est bien de « donner accès à la prévention à toute la population » et, pour cela, il faut choisir de s’adresser à « l’homo sapiens ou à l’homo economicus », résume-t-il avec un certain humour. La première solution, l’explication s’adressant à l’homo sapiens, ne suffisant manifestement pas.
En outre, l’excès qui consiste à « tout interdire » est contre-productif : « Les messages traditionnels ne passent plus ». Position partagée par Philippe Pujol qui lance qu’il « ne faut pas confondre culpabilisation et responsabilisation du patient ».
Vers des applications santé remboursées
Cette notion de responsabilisation, et de liberté, est mise en avant par Eric Abriol, président du Fond’Action Entrain, qui précise que l’application Prev’Entrain est mise à disposition de ceux des adhérents qui auront envie de l’utiliser pour être acteur de leur santé.
L’application, à partir de 21 questions touchant à l’alimentation, l’activité physique, la consommation de tabac, la qualité du sommeil.... établit un score santé et propose ensuite un programme adapté et personnalisé. Ces données personnelles ainsi recueillies sont hébergées en France dans un environnement sécurisé dédié aux données de santé.
Notons que, selon Sarah Dognin dit Cruissat, il est certain que, dans le futur, « des applications santé seront remboursées par la sécurité sociale et donc, par les mutuelles ».
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