DR
Après un printemps marqué par un bras de fer avec le gouvernement autour de la réforme du ’100 % santé’ et de la ’résiliation infra annuelle et sans frais des contrats santé’ ainsi que l’offensive des partisans du ’tout à la sécu’ [1], le président de la Fédération nationale de la Mutualité française, Thierry Beaudet, reprend l’offensive pour défendre les couleurs de ses mutuelles. L’actualité, il est vrai, est riche de dossiers justifiant son intervention devant les journalistes de l’AJIS.
DR
Et d’abord, la préparation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS 2020). Sur ce point, il existe un désaccord majeur entre la Mutualité et le gouvernement, la première reprochant au second d’avoir « asséché les recettes de la sécurité sociale » dans le précédent budget. Ce mouvement de retour à l’équilibre financier, engagé depuis les quinze dernières années, « met à contribution le médicament et l’hôpital, dont la crise des urgences est un symptôme ».
Selon Thierry Beaudet, il est donc temps « d’investir dans le système de santé ». Évoquant ses contacts avec les maires et les parlementaires, il se dit frappé des remontées du terrain témoignant d’une réelle inquiétude des populations. « Globalement, quand les Français comparent avec l’étranger, ils ne voudraient pas changer de système. Toutefois, ils ont le sentiment qu’aujourd’hui est moins bien qu’hier et que demain sera moins bien qu’aujourd’hui ».
Le reste à charge à l’hôpital entretient les inégalités
DR
Concernant l’hôpital, le président de la FNMF reconnaît qu’il prend bien en charge les pathologies aigües, mais que le système de soins demeure trop ’hospitalo-centré’, le décloisonnement médecine de ville-hôpital restant à faire. Cela dit, la Mutualité publie opportunément, dans l’édition 2019 de son Observatoire, une étude montrant que le reste à charge à 100 % est loin d’être une réalité à l’hôpital public.
L’ensemble des complémentaires remboursent plus de 6 Md€ de dépenses liées à l’hospitalisation, dont 3,4 Md€ pour les seules mutuelles. 33 % des remboursements correspondent à des dépenses de soins, 31 % à des frais d’hôtellerie-restauration, 12 % à des dépassements d’honoraires et 24 % pour les chambres particulières, ce poste étant totalement ignoré dans le budget de l’assurance maladie, ce qui fausse le coût de l’hospitalisation.
Pour les mutuelles, l’hôpital est devenu le premier poste de dépenses. En témoigne le fait qu’entre 2001 et 2017, les dépenses hospitalières ont augmenté de +3,2 % par an. Mais alors que les remboursements de la sécurité sociale progressaient de + 1,2 %, celles des complémentaires s’élevaient de + 5,5 %.
DR
Plus grave, les chiffres de l’Observatoire montrent que les mutuelles permettent de stabiliser le reste à charge des dépenses hospitalières au-delà de 50 ans, que l’assurance maladie laisse subsister d’importantes disparités géographiques le RAC variant de 404 € à 706 € selon les départements et que, pour 5 % de la population (les assurés les plus âgés), les remboursements pris en charge par les mutuelles peuvent être très élevés.
Ajoutons à cela que les prix facturés varient considérablement d’un département à un autre. Ainsi une opération de la cataracte est facturée à 232 € dans les Ardennes et 673 € à Paris. Quant aux patients en ALD (affections de longue durée), ils ont un reste à charge près de deux fois supérieur aux assurés non classés en ALD... Comment remédier à ces inégalités ? « Déconnecter le reste à charge de la durée des séjours hospitaliers, nous semblerait une bonne chose », explique Thierry Beaudet. « Le problème c’est que les personnes les plus hospitalisées sont des personnes âgées. Comme l’ambulatoire réduit la durée moyenne de séjour, les actifs bénéficient de leur côté d’un reste à charge peu élevé ».
Interrogé sur le remboursement de l’homéopathie par les mutuelles, le président de la FNMF relève que « si on s’appuie sur le service médical rendu (SMR), on ne peut que constater que la participation des mutuelles est d’autant plus forte que le SMR est faible ».
RAC 0 : et si on demandait des comptes aux professionnels ?
Sur le ’100 % santé’, le président de la FNMF juge naturel qu’on ait sollicité les mutuelles. Cela dit, il aimerait que le gouvernement s’adresse aussi aux professionnels de santé qui, en tant qu’ordonnateurs des dépenses de soins, ont une responsabilité majeure dans la réussite de la réforme.
Par ailleurs, la FNMF attend du gouvernement qu’il lui fournisse au plus vite les informations permettant de ’paramétrer le nouveau système’ et d’éviter des ’remboursements à l’aveugle’. Pour le reste, « la mise en œuvre du 100 % santé ne devrait pas conduire à une dérive des cotisations ». Cette approche ’macroéconomique’ n’exclut pas « qu’une approche micro prenant en compte, par exemple, le poids élevé des retraités dans un portefeuille, oblige à un résultat différent ».
DR
Répondant à ceux qui reprochent aux mutuelles de pratiquer des coûts de gestion trop élevés, le président de la mutualité française a rappelé que le gouvernement a lui-même fait le choix de « stimuler la concurrence pour parvenir à un juste prix ». 400 acteurs se partageant le marché de la complémentaire santé, chacun cherche à réduire ses coûts sans y parvenir. « De fait, si la concurrence existe, ils doivent utiliser les armes de la concurrence, donc le recours à la publicité qui a un prix... CQFD »
En outre, les coûts des changements de réglementation, de Solvabilité 2, des reportings, ont été subis par les mutuelles. Enfin, Thierry Beaudet rappelle que les mutuelles, passées de 8 000 (rapport sénatorial L’assurance française, d’Alain Lambert, 2000), à quelques centaines aujourd’hui, sans plan social et en convertissant leurs agents au service à l’assuré, n’ont pas démérité. Loin de là. La preuve d’ailleurs figure dans un chiffre : grâce aux complémentaires, toutes familles confondues, le reste à charge en matière de dépenses de soins est en France de 8 %. C’est le chiffre le plus faible de tous les pays de l’OCDE.
mm