Sécurité sociale

La sécurité sociale du XXIe siècle ne peut plus être celle de 1945. Les besoins de la société ont évolué. Bien sûr, les trois grandes branches gardent leur pertinence. Mais l’évolution du monde du travail conduit à faire évoluer un modèle autrefois centré sur des emplois à vie, dans la même entreprise et à élargir le champ de la sécurité sociale à la prise en charge du chômage devenu un mal universel. Les constats sont assez largement partagés, comme on a pu s’en rendre compte à l’occasion des travaux de l’EN3S (...)

 
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    La sécurité sociale du XXIe siècle ne peut plus être celle de 1945. Les besoins de la société ont évolué. Bien sûr, les trois grandes branches gardent leur pertinence. Mais l’évolution du monde du travail conduit à faire évoluer un modèle autrefois centré sur des emplois à vie, dans la même entreprise et à élargir le champ de la sécurité sociale à la prise en charge du chômage devenu un mal universel. Les constats sont assez largement partagés, comme on a pu s’en rendre compte à l’occasion des travaux de l’EN3S dans le cadre de ses « Grands dossiers ».

    De la même façon, le développement de la monoparentalité fait surgir de nouvelles formes de pauvreté auxquelles la société doit faire face. Enfin, l’allongement de la durée de vie conduit à repenser la prise en charge de la perte d’autonomie. Bien évidemment ces évolutions qui s’inscrivent dans l’universalisation des prestations ne sont neutres ni en terme de coûts, de modalités de financement ou de gouvernance du système.

    Quelle protection sociale pour quel type d’emploi ?

    Prenons le cas de la transformation des emplois liée à une transformation du travail. Directeur général de l’Urssaf Île-de France, Didier Malric souligne que 38 % des cotisants de son ressort sont aujourd’hui des auto-entrepreneurs et que l’explosion des CDD de courte durée, tout comme celle des plateformes de différents types et pour différents métiers pose la question de savoir s’il faut imaginer d’autres formes de protection sociale. Selon lui, le problème posé est celui du modèle actuel de protection sociale qui a un coût élevé.

    Le risque, comme dans la formation professionnelle, est que les gens développent des plateformes sur lesquelles ils ne supporteront que peu de charges sociales. Résultat, un «  modèle social moins disant, un certain nombre de plateformes faisant travailler des personnes pauvres et fragiles  ». Les règles sont alors «  d’autant plus contournées que ces travailleurs pauvres sollicitent des aides sociales, alors qu’ils ne contribuent en rien à la solidarité  ».

    Pour Gaby Bonnand, ancien président CFDT de l’Unedic, «  notre système de protection sociale favorise aujourd’hui l’arrivée de travailleurs ne se situant pas dans le modèle de la société industrielle d’autrefois  ». Au surplus, «  ce système juxtapose des régimes qui se sont battus pour défendre un statut, alors que la tendance est aujourd’hui à changer de régime pour s’inscrire dans des parcours individuels qui posent des problèmes de prise en charge  ». Par ailleurs, «  autant la cotisation sur salaire jouait un rôle de redistribution, autant ce n’est plus le cas quand d’autres formes de rémunération échappent aux salaires  », la CSG n’ayant corrigé qu’à la marge cette situation. Enfin, le risque est grand qu’on «  persiste à s’enfermer dans la protection sociale des salariés  », autrement dit, qu’on aille «  chercher les financements de l’ancien monde pour payer la protection sociale du nouveau monde  »...

    Présidente du Conseil national du numérique, Salwa Toko déplore, quant à elle, que «  les indépendants n’aient pas accès à la protection sociale  » et de façon plus large que «  les rémunérations versées ne permettent pas aux gens d’assurer leur propre protection, les choix actuels ne se faisant pas au profit des travailleurs, mais des actionnaires  ». Louis-Charles Viossat, président de Centre Info, relativise, quant à lui, le poids des plateformes qui ne représentent que 3 % de l’emploi au grand maximum, le problème central restant celui des conditions de travail sur ces plateformes. Par ailleurs, il précise que, lorsqu’on parle d’uniformisation, la protection sociale de base n’est pas en cause. En revanche, dit-il, «  le problème c’est la prévoyance  ».

    Gaby Bonnand partage ce point de vue, mais note qu’on a aujourd’hui du mal à avoir une vision globale de la protection sociale. Ainsi, on sait très bien qu’il existe un lien entre le chômage de longue durée, les arrêts de longue maladie et la réforme des retraites. Et de suggérer «  qu’on supprime tous les ’hauts conseils’ existants pour les remplacer par un seul, ’le haut conseil pour l’avenir de la protection sociale’ qui serait en capacité de faire dans les deux ans des propositions sur l’ensemble des problèmes de protection sociale  »...

    Relever les défis posés par la monoparentalité

    Frédéric Marinacce, directeur des politiques familiales et sociales à la Cnaf en convient : «  les ruptures familiales sont devenues un enjeu des politiques publiques  ». Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter Magda Tomasini, directrice de l’Ined (Institut national d’études démographiques) égrener des chiffres qui illustrent les nouvelles fragilités des familles.

    En 1980, on avait le premier enfant à 25 ans et 30,3 enfants naissaient hors mariage. En 2017, les chiffres sont respectivement de 30,6 ans et 60,3 enfants. Pour 3 % des naissances, il faut une aide à la procréation et la proportion de jumeaux s’accroît de manière vertigineuse. En 1980, on comptait 334 000 mariages. En 2017, on en comptait 235 000, mais 194 000 Pacs. Aujourd’hui, 44 % des mariages se terminent par un divorce. Plus du tiers des enfants vivent en famille recomposée avec leurs deux parents, mais 7 % des enfants vivent avec un parent et un beau-parent. La séparation réduit considérablement le niveau de vie des mères qui perdent jusqu’à 35 % de leur revenu quand la pension alimentaire n’est pas versée. Or, 18 % des femmes disent que cette pension leur est rarement ou jamais versée. 18 % des enfants, à 18 ans, n’ont plus aucun contact avec leur père. Pour ces enfants on observe des séquelles en terme de faible qualification, d’activité instable…

    Plus grave, dans la petite enfance s’observent des retards dans l’apprentissage du langage, les parents isolés n’ayant pas les moyens de recourir à des modes de garde qui permettraient de réduire ce handicap... Enfin, si la petite enfance est impactée, le vieillissement de l’individu l’est aussi, notamment pour les femmes dont les incapacités liées à l’âge apparaissent plus tôt. On pourrait là encore aligner les chiffres témoignant de ces situations.

    Mais la monoparentalité ce sont aussi les deuils, comme l’a rappelé Sylvie Pinquier-Bahda, directrice générale déléguée de l’Ocirp, autrement dit de cette union d’institutions de prévoyance qui s’est fait une spécialité d’intervenir dans l’accompagnement du veuvage et de l’orphelinage. D’abord en versant 28 000 rentes décès (l’âge moyen du salarié décédé est de 52 ans, celui du conjoint survivant est de 48 ans et celui de l’enfant est de 17 ans). La France compte 5 millions de veufs et veuves, dont 1 million de femmes seules et un demi million de veuvages précoces avant 55 ans.

    Quant à la situation d’orphelin, elle est devenue invisible dans notre société, alors qu’on en trouve, en moyenne, un par classe. 55 % de ces enfants ont perdu leur père, 37 % leur mère et 10 % les deux. De plus en plus, l’Ocirp développe une démarche proactive pour écouter, informer, orienter les personnes, en particulier si elles doivent repenser leur vie professionnelle. Pour les jeunes, sont mises en place des aides au permis de conduire, au soutien scolaire à domicile, à l’orientation professionnelle et à la recherche d’emploi. En s’appuyant sur le réseau des caisses Agirc Arrco des institutions membres, l’Ocirp a déployé depuis 1997 ’Dialogue et solidarité’, un lieu dans lequel les personnes peuvent recevoir un soutien moral et l’aide de groupes de paroles, et mis en place une Fondation Ocirp qui a pour vocation de sensibiliser les professionnels de l’enfance et de soutenir les recherches en sciences sociales et humaines sur le thème de la séparation.

    Un coup d’accélérateur dans le PLFSS 2020

    Vincent Mazauric, directeur général de la Cnaf l’a rappelé et avec lui Frédéric Marinacce et Jérémie Audoin, directeur du réseau, le gouvernement a mis cette question de la monoparentalité au premier rang de son plan de lutte contre la pauvreté. Sans attendre le futur projet de loi, le PLFSS balise le terrain en mettant à la disposition des parents un dispositif de sécurisation du versement des pensions alimentaires, préoccupation qui avait émergé du ’Grand débat national’. De fait, 30% des pensions ne sont pas payées, ou payées de manière irrégulière et elles représentent 18 % du revenu disponible du parent qui a la garde de l’enfant.

    Le gouvernement a donc décidé de confier à l’agence de recouvrement des impayés de pensions alimentaires (Aripa) le développement d’un dispositif de versement des pensions. Elles seront payées par le parent débiteur à l’agence qui les reversera immédiatement au parent créancier. En cas de carence du débiteur, l’agence engagera immédiatement une procédure de recouvrement de l’impayé auprès du parent débiteur et versera automatiquement aux parents isolés une allocation de soutien familial (ASF), de 115 € par mois et par enfant. Cette mesure se mettra progressivement en place à partir du 1er juin 2020 avec pour objectif de prendre en charge au titre du nouveau dispositif près de 66 000 familles en 2020 et 115 000 de plus en 2021.

    Marie-André Blanc, présidente de l’Unaf et Sophie Lassalle, secrétaire générale de la Fenamef se félicitent de cette mesure. En même temps, elles soulignent qu’en ciblant la monoparentalité, il ne faut pas dissuader le retour à la vie en couple et que l’on doit réfléchir à la manière d’aider les pères à exercer leur droit d’accueil des enfants, ce qui pose, selon Frédéric Marinacce, la question d’une demande récurrente de prestation pour résidence alternée.

    Cela dit, Sophie Lassalle tout en se félicitant de la place donnée à l’intermédiation, souhaite qu’on ne limite pas cette politique à une volonté de désengorger les tribunaux et dit s’interroger sur le maintien du lien familial dans certaines situations, sa réflexion, selon Jérôme Audoin posant toute la question de «  la limite entre aide sociale et contrôle social  ».

    Au total, le directeur général de la Cnaf se félicite de la place donnée à une politique de l’enfance, en particulier que soit posée la question du lien entre enfance et emploi, donc de la garde de l’enfant. C’est un sujet transverse, explique-t-il, dans lequel interviennent Pôle emploi, la Caf et les municipalités, le fonctionnement entre ce triangle étant loin d’être parfait, sauf dans trois caisses : le Var, la Vendée et Paris.

    En matière d’accès aux soins pour les enfants et les adolescents bénéficiaires d’une mesure de protection de l’enfance, moins d’un enfant sur deux est pris en charge par l’aide sociale à l’enfance (ASE). Aussi, le PLFSS 2020 remplace ’l’évaluation médicale et psychologique’ par un ’bilan de santé obligatoire’ pris en charge par l’assurance maladie (création d’une consultation complexe). Ce bilan a vocation à engager un suivi médical régulier des enfants et adolescents protégés, dans le cadre d’un parcours de soins somatiques et psychiques coordonné. Concernant la protection maternelle et infantile (PMI) «  qui va mal  », le directeur général de la Cnaf rappelle que, dans la lignée des travaux de la députée Michèle Peyron, et de la priorité fixée sur l’accompagnement des enfants et de leurs parents durant les 1000 premiers jours de vie, le PLFSS 2020 prévoit de déployer les interventions à domicile des professionnels dans les périodes pré comme post-natales, à développer l’innovation et les coopérations au sein des réseaux de santé périnataux, de mieux articuler les missions entre médecins et infirmières puéricultrices et de renforcer la pluridisciplinarité des intervenants. Enfin, le directeur de la Cnaf entend que la caisse soit associée aux réflexions en cours, tant sur le ’RSA majoré’ dans le cadre de la mise en place d’un service public de l’insertion, que sur l’Allocation de soutien familial (ASF).

    mm
  • Publié le 15 octobre 2019
  • Dépèche n°30877

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