Les annonces d’Édouard Philippe ont provoqué des réactions furieuses des syndicats. Côté CGT, FO, Unsa et syndicats d’enseignants, qui affirmaient urbi et orbi, avant même les annonces faites au Cese, que leur attente se résumait à un retrait pur et simple du texte et un abandon de la réforme, pareille levée de boucliers ne pouvait surprendre.
Côté CFDT, c’est une autre affaire. En début de soirée, seule organisation jusqu’ici à soutenir la réforme systémique, elle décidait à l’issue de la réunion de son bureau national d’appeler à se mobiliser pour la manifestation du 17 décembre tout en précisant que la CFDT ne rejoindra pas l’intersyndicale car elle porte « sa propre vision de la réforme ».
La raison du mécontentement de Laurent Berger tient au fait qu’en évoquant, même à échéance de 2027, l’éventualité de l’introduction d’un âge pivot à 64 ans, le gouvernement a selon lui « franchi la ligne rouge » en mélangeant une réforme systémique, avec laquelle la CFDT est d’accord, avec une réforme paramétrique, voire « budgétaire », qui n’a en revanche aucun caractère d’urgence.
La question que se posaient hier tous les observateurs était donc de savoir pourquoi le gouvernement, qui avait hésité jusqu’au dernier moment à parler d’âge pivot, a délibérément choisi de s’aliéner la seule organisation syndicale qui soutient clairement la réforme. S’agit-il pour l’exécutif de se ménager des marges de négociation avec la CFDT pour se donner la possibilité de céder dans les prochains jours sur un point non urgent de la réforme à seule fin d’arrimer ensuite les syndicats réformistes à son projet ? S’agit-il plus prosaïquement d’une très mauvaise perception des effets de cette réforme emblématique dans l’opinion ? S’agit-il d’une conséquence d’une crise plus profonde au sein du gouvernement entre les tenants du respect d’une « règle d’or » quoi qu’il en coûte qui l’auraient emporté sur ceux qui préconisent un peu plus de souplesse. Bref, il y aurait là comme une nouvelle illustration du conflit qui ressurgit périodiquement entre les technos et les politiques. Une chose est sûre en tout cas, ce dossier est suffisamment compliqué et chargé de malentendus de toute nature pour ne pas en rajouter. Emmanuel Macron, comme Édouard Philippe pour des raisons mystérieuses semblent ne pas l’avoir compris.
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