Retraite

Depuis plusieurs semaines, la CGT mène la bataille contre la réforme des retraites en expliquant qu’un grand régime universel par points est une première étape sur la voie de la capitalisation. Elle s’est donc saisie de la promotion dans l’ordre de la légion d’honneur de Jean-François Cirelli, ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin, pour relancer sa campagne. Motif : cet ancien de Suez et d’Engie, aujourd’hui banquier, détient, parmi une demi-douzaine d’autres mandats, celui de président en France (...)

 
Nos articles sont réservés aux abonnés
Vous êtes abonné ?

Connectez-vous en utilisant ce formulaire.

  • Vous pouvez réinitialiser votre mot de passe en cliquant sur le bouton vert du formulaire (mot de passe oublié)
  • Après connexion, vous pouvez accéder aux données de votre compte, en cliquant dans le cartouche situé en haut et à droite de votre écran, sur ordinateur et tablette, en bas de page sur smartphone)
Pas encore abonné ?

Vous pouvez souhaiter :

L'auteur

L'article

  •  

    Depuis plusieurs semaines, la CGT mène la bataille contre la réforme des retraites en expliquant qu’un grand régime universel par points est une première étape sur la voie de la capitalisation. Elle s’est donc saisie de la promotion dans l’ordre de la légion d’honneur de Jean-François Cirelli, ancien collaborateur de Jean-Pierre Raffarin, pour relancer sa campagne. Motif : cet ancien de Suez et d’Engie, aujourd’hui banquier, détient, parmi une demi-douzaine d’autres mandats, celui de président en France de Black Rock, un fonds de gestion d’actifs basé à New York. La CGT brandit ce mandat, tel le bordereau d’Esterhazy dans l’affaire Dreyfus, pour affirmer qu’elle détient la preuve que la capitalisation en France est pour demain.

    Les retraites en capitalisation restent marginales en France

    La vérité oblige à dire que la mise en place de régimes par points n’a jamais conduit en France à un développement automatique de la capitalisation. Depuis la création de l’Agirc, puis de l’Arrco en 1947 et 1961, de très grands régimes par points ont vu le jour : Ircantec en 1970 pour plus de 2 millions d’agents non contractuels de l’État, régimes des indépendants (Organic, Cancava, Canam devenu RSI en 2006 et intégrés depuis le 1er janvier 2020 à l’assurance vieillesse), la plupart des régimes complémentaires des dix sections de la CNAVPL… Au total, plusieurs dizaines de millions de Français disposent d’une retraite versée au moins partiellement par un régime par points. Pour autant les retraites venues de la capitalisation ne représentent pas 5 % des 330 Md€ de pensions de retraite versées chaque année en France.

    Par ailleurs, le fait de mettre la barre à 3 fois le plafond de la sécurité sociale pour un régime universel, qu’on le veuille ou non, c’est envoyer un très mauvais signal aux partisans de la capitalisation. Soyons clairs là encore : la répartition, introduite par Vichy en 1941 par un ministre du Travail, l’ancien dirigeant de la CGT René Belin, mais qui avait été promise en 1936 par le Front Populaire et consacrée par F. D. Roosevelt la même année dans son New Deal, reste dans une très large mesure l’alpha et l’oméga de notre politique de retraite. Est-ce un mal, est-ce un bien ?

    On rappellera seulement qu’avant de prendre ce virage de la répartition en 1941, la France a connu plus d’un siècle et demi de capitalisation depuis la mise en place d’une « assurance retraite » par Louis XVI en 1787 via une « Compagnie royale d’assurance sur la vie ». Une révolution avant la Révolution – l’assurance vie était interdite dans les pays catholiques contraints de s’en remettre à la « providence divine » –, qui sombrera dans la tourmente révolutionnaire, mais qui ressurgira aussi bien dans les Retraites ouvrières et paysannes de 1910 que dans l’Assurance retraite de 1930, les gouvernements de l’époque ne tenant alors aucun compte de la faillite boursière de 1929.

    L’abaissement à trois plafonds de la cotisation des cadres qui cotisaient à l’Agirc dans la limite de 8 plafonds serait-il alors la promesse d’un développement de la capitalisation ? On peut en douter. Non seulement les aménagements des outils d’épargne retraite introduits dans la loi Pacte ne paraissent pas de nature à sortir de leur léthargie des produits (Perp, Perco, plans Madelin pour les indépendants) qui sont loin d’avoir fait leurs preuves. Mais on peut au contraire penser que faire davantage cotiser à la solidarité des professions libérales, qui ne cotisaient jusque-là que dans la limite d’un plafond, compensera largement pour le régime universel le manque à gagner des cotisations cadres entre 3 et 8 plafonds. De source gouvernementale, on estime que le nombre de personnes gagnant plus de 320 000 € de salaire annuel n’excède pas 1 % de la population active, mais représente, en revanche, 4 % de la masse salariale.

    En mettant la barre à trois plafonds, les pouvoirs publics ont-ils voulu envoyer un signal fort aux Français pour leur signifier qu’il ne s’agit pas de mêler une réforme systémique avec une réforme idéologique ? Ou bien ne croient-ils pas, dans le contexte économique et financier actuel, qu’il y ait un espace significatif pour développer des produits en capitalisation ? L’activité française restant plus dynamique que celle de ses voisions, le calcul du gouvernement n’est-il pas d’éviter tout soubresaut sur les places financières qui porterait atteinte aux résultats encourageants qu’il engrange sur le front du chômage et de l’activité ?

    Aux USA, c’est le principe même de la retraite qui est en cause

    En tout cas ce ne sont pas les exemples étrangers qui plaident actuellement pour un surcroît de capitalisation. Aux États-Unis, par exemple, The Economist (16 novembre 2019) tirait la sonnette d’alarme : la plupart des fonds de pension du secteur public sont gravement sous provisionnés. Ils seront dans l’incapacité d’honorer les promesses de pension qu’ils ont faites. La solution serait évidemment, soit d’augmenter les contributions des États ou des municipalités, soit d’augmenter celles des travailleurs. Les États et les grandes villes ont consenti ces derniers mois un effort, mais par peur de devoir augmenter les impôts, cet effort reste très en-deçà de ce qui aurait été nécessaire. Résultat, le fonds de pension des enseignants de l’Illinois, mais aussi le fonds municipal de Chicago sont carrément menacés d’insolvabilité tout comme ceux des pompiers de Charleston, des employés de l’État du Kentucky… La liste est longue et c’est une véritable débandade à l’échelon du pays tout entier, constate l’auteur de cette enquête. La situation n’est évidemment pas meilleure dans les entreprises privées, le quotidien USA Today annonçant le 31 décembre dernier que General Electric a décidé de « geler » le montant des pensions de retraite de 20 700 de ses salariés… Avec ses meilleurs vœux !

    Comme nous l’avons expliqué dans ces colonnes, le 15 décembre 2019, sur la base d’informations parues dans le Wall Street journal, le problème se double aux États-Unis d’une autre réalité à savoir qu’un travailleur ne cotise au régime de base de la Social Security qu’à hauteur de 7 % de son salaire. C’est peu. Moyennant quoi, l’âge de la retraite doit passer de 65 à 67 ans, alors que le niveau des pensions continue à se dégrader condamnant 25 % des seniors entre 65 et 75 ans à avoir un emploi à temps partiel.

    Mais le pire est à venir. Le 19 décembre, ce même quotidien économique a présenté des décisions du Congrès visant à faciliter l’accès des Américains à des dispositifs d’épargne retraite, notamment aux 401 K (ce numéro renvoie à l’article du code des impôts accordant un régime fiscal favorable à ce type de plan), notamment pour les travailleurs à temps partiel qui en étaient jusqu’ici écartés. Le problème, là encore, est que 30 % des employeurs, non seulement refusent de participer au financement de ces plans, mais encore qu’ils refusent d’en faire bénéficier leur personnel.

    La situation est d’autant plus inquiétante, selon USA Today, qu’il faudrait que les Américains commencent à cotiser dès 20 ans dans des plans de retraite. Or, jusqu’à 31 ans leur épargne est mobilisée par le remboursement des prêts qu’ils ont contractés pour financer leurs études… Enfin, toujours selon le Wall Street Journal du 19 décembre les mesures adoptées par le Sénat devraient réduire les dépenses fédérales de 16 billions de dollars au cours des dix prochaines années et encourager les travailleurs à aller jusqu’à 72 ans pour améliorer leur épargne retraite… Et pourquoi pas jusqu’à leur mort ?...

    La situation n’est évidemment pas meilleure au Royaume Uni où, nous l’avons écrit le 15 décembre, 12 millions de retraités vivent aujourd’hui sous le seuil de pauvreté et où Boris Johnson tend à mettre ses pas dans ceux de Donald Trump. Elle est encore bien pire au Chili où la réforme radicale mise en œuvre en 1981, sous l’ère Reagan par les économistes américains de l’école de Chicago, a basculé l’ancien système de répartition en « tout capitalisation ». Moyennant quoi, la retraite moyenne d’un Chilien se montant à 150 € environ, un retraité pour vivre doit continuer à travailler… Telle est donc aujourd’hui la logique de ce nouveau capitalisme qui ponctionne sans relâche l’épargne des travailleurs au bénéfice des sociétés, qui ne leur garantit aucun retour sur investissement et qui va même jusqu’à les dissuader de prendre une retraite pour laquelle ils ont payé toute leur vie… Le cauchemar à la place d’un rêve… Le modèle français, qu’on le veuille ou non, demeure aux antipodes de ces systèmes.

    mm
  • Publié le 5 janvier 2020
  • Dépèche n°31640

pastille cfc

Le contenu de cette dépêche est la propriété de son auteur et du Fil-Social. Toute reproduction, par tous moyens, est soumise à une déclaration auprès du Centre Français de la Copie.

Se connecter au site
Mémoriser?

Rechercher sur le site