Retraite

Une regrettable confusion s’est introduite dans le débat sur la réforme des retraites. Contrairement à ce qui se lit ou se dit dans certains médias, la question posée n’est pas de supprimer 42 régimes spéciaux. Ces 42 régimes dont on parle sont précisément ceux qui ne sont pas spéciaux, au premier rang desquels se trouve le régime des salariés du privé – l’assurance vieillesse – et les régimes complémentaires Agirc-Arrco.
Figurent ensuite parmi ces 42 régimes, ceux des exploitants agricoles, des indépendants (...)

 
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    Une regrettable confusion s’est introduite dans le débat sur la réforme des retraites. Contrairement à ce qui se lit ou se dit dans certains médias, la question posée n’est pas de supprimer 42 régimes spéciaux. Ces 42 régimes dont on parle sont précisément ceux qui ne sont pas spéciaux, au premier rang desquels se trouve le régime des salariés du privé – l’assurance vieillesse – et les régimes complémentaires Agirc-Arrco.

    Figurent ensuite parmi ces 42 régimes, ceux des exploitants agricoles, des indépendants de l’ex-RSI, des professions libérales de la CNAVPL avec ses 10 « sections » (médecins, chirurgiens-dentistes et sages-femmes, pharmaciens, auxiliaires médicaux, experts-comptables, notaires…), des agents non contractuels de l’État (Ircantec), le régime du Barreau, le régime des cultes…

    Une histoire qui remonte au 17e siècle

    Concernant les régimes spéciaux proprement dit, la France dispose sur le sujet d’une expérience sérieusement documentée et d’une solide pratique qui remonte pour le plus ancien, l’Opéra de Paris, au 17e siècle. En dehors de ce cas d’espèce, la plupart d’entre eux sont nés au 19e siècle d’une situation historique unique en Europe.

    Après la loi Le Chapelier de 1791 interdisant les syndicats et les coalitions patronales, toute négociation collective était prohibée et le restera jusqu’en 1884, date de publication de la loi Waldeck-Rousseau reconnaissant les syndicats. Il en a résulté une situation inédite, puisqu’en pleine révolution industrielle, les relations sociales vont d’emblée s’inscrire en France sous le signe de rapports de forces entre les travailleurs et leurs employeurs.

    En matière de protection sociale, le seul espace de respiration pour le secteur privé sera « la prévoyance libre », autrement dit une protection sociale fondée sur l’épargne individuelle, la puissance publique se trouvant contrainte d’assumer un devoir d’assistance envers les plus faibles. Il en résultera, d’un côté des conflits sociaux qui ne débouchent jamais sur la recherche d’un compromis, de l’autre un État qui, dans les périodes de crise, sera plus envahissant que partout ailleurs.

    Parallèlement à la révolution industrielle, se consolident les États-nation. Pour exister, l’État doit assurer la protection des fonctionnaires civils et militaires arrachés au travail de la terre. Dès 1853, le Code des pensions civiles et militaires pose les bases d’un grand régime unifié. À la même époque et au début du 20e siècle, pour garantir de statut de salariés travaillant dans des secteurs stratégiques de l’énergie (mines, électricité, gaz) et des transports (marins, SNCF et RATP), la puissance publique développe des « régimes spéciaux ».

    Le premier diagnostic sérieux sur ces régimes spéciaux sera posé dans le Livre blanc Rocard de 1991. À l’époque, on en comptait une grosse centaine qui avaient cinq caractéristiques communes. Ils se sont constitués sur une base étroitement professionnelle. Ils font office à la fois de régime de base et de régime complémentaire. Ils offrent à leurs ressortissants des avantages en terme d’âge de départ à la retraite plus précoce que dans le droit commun et de mode de calcul des pensions plus avantageux (25 meilleures années dans le privé et six derniers mois d’activité chez les fonctionnaires). Ils sont pratiquement tous intrinsèquement déficitaires. Pour ces deux derniers motifs, ils ont recours pour s’équilibrer à une subvention d’équilibre, donc à des impôts, dont le poids s’accroît au fur et à mesure qu’augmentent les déséquilibres démographiques.

    Il ne reste que 13 régimes spéciaux

    Les Français l’ignorent mais, depuis le début des années 1990, la plupart des régimes spéciaux se sont transformés. Très officiellement, l’article R 711-1 du code de la sécurité sociale mentionne les 13 régimes qui subsistent aujourd’hui. Les uns sont anecdotiques, comme celui de l’Opéra de Paris qui date de 1698, la Banque de France (1800), le Port autonome de Strasbourg (1873), la Comédie française (1914). Leurs effectifs d’actifs et de bénéficiaires se comptent en quelques centaines de participants.

    À côté de ces micros régimes, on trouve des dispositifs autrement plus importants : mines (1370 cotisants / 241 000 bénéficiaires), industries électriques et gazières (138 000 / 180 000), SNCF (141 000 / 256 000), RATP (42 000 / 50 000), marins (30 600 /109 000), clercs et employés de notaires (59 370 / 118 000). Leur rapport actifs/retraités est très défavorable.

    Reste le gros morceau, à savoir la population des fonctionnaires qui se décompose elle-même en trois éléments. Les fonctionnaires civils et militaires gérés par le Service des retraites de l’État (2 millions actifs / 2,2 millions bénéficiaires) ; 1,8 million d’agents des collectivités locales et 1,1 million d’agents hospitaliers sont gérés par la Caisse nationale de retraite des collectivités locales (1,1 million de retraités), la seule caisse dont l’équilibre démographique est encore positif ; les ouvriers de l’État sont gérés par un fonds spécial, le FSPOIE (28 000 / 83 300).

    On ajoutera que pour l’année 2020, hors fonction publique d’État, ces régimes spéciaux bénéficient d’une subvention d’équilibre de 7,6 Md€ se répartissant comme suit : SNCF, 3,1 Md€ ; FSPOEIE, 1,397 Md€ ; mines, 1,063 Md€ ; marins, 814 M€ ; RATP, 710 M€. Concernant la fonction publique d’État, la contribution de l’État-patron dépasse 40 Md€. La question se pose de savoir comment et sur quelle durée cette contribution, qui représente 74 % du montant total des traitements des fonctionnaires civils et militaires, sera ramenée au niveau de la cotisation employeur du privé de 16,87 %.

    Les intégrations de dizaines de régimes ont été déjà négociées

    Depuis le début des années 1990 plusieurs dizaines de régimes spéciaux ou bien ont disparu noyés dans le budget de l’État comme ce fut le cas des exploitants agricoles dans le Budget annexe des prestations sociales agricoles (Bapsa), remplacé en 2005 par un fonds d’intervention, le Ffipsa, et comme ce sera bientôt le cas pour le régime des mines. Les autres, moins déséquilibrés démographiquement, ont été intégrés à l’assurance vieillesse et aux régimes complémentaires Agirc-Arrco. Ils sont revenus par la négociation dans le droit commun des retraites, mais en conservant cette possibilité de financer eux-mêmes leurs avantages particuliers, via un régime additionnel promis à disparition ultérieure. Autrement dit, pour les régimes d’accueil et leurs affiliés, le principe posé de la « neutralité actuarielle » des intégrations était sauf. Si les assurés des régimes spéciaux voulaient conserver leurs avantages, ils se les payaient, mais n’en faisaient pas supporter la charge par des assurés n’en bénéficiant pas…

    Ces intégrations se sont faites sans drame majeur. Pour la seule année 1993, ont rejoint l’interprofession, les agents au sol d’Air France ; près de 200 000 agents de la sécurité sociale qui cotisaient à la Caisse de prévoyance des personnels des organismes de Sécurité sociale (CPPOSS) promise à un désastre à bref délai du fait de l’informatisation de la sécurité sociale ; les 13 régimes bancaires dont certains comme la Société marseillaise de crédit étaient en grande difficulté ; le régime du personnel des sociétés d’assurances… On pourrait allonger la liste de ces salariés dont les retraites ont été sauvées par l’assurance vieillesse, mais plus encore par des régimes en points… On peut imaginer que les moyens et méthodes qui ont fait leur preuve produisent des résultats similaires aujourd’hui pour les salariés des régimes spéciaux promis à disparition prochaine. En tout cas on ne voit pas pourquoi ce qui a fonctionné hier sur une échelle autrement plus importante, ne fonctionnerait pas aujourd’hui.

    On le voit d’autant moins que deux séries de facteurs ont poussé ces dernières années à préparer les réformes annoncées aujourd’hui. Ce sont les directives européennes qui, comme pour les cheminots à partir du 1er janvier dernier, ouvrent à la concurrence le champ d’activité des entreprises publiques. Ce sont ensuite les effets de la mondialisation qui conduisent les États à appliquer dans leurs relations commerciales des normes comptables internationales (IAS - IFRS). Ces normes ayant obligé les entreprises nationales à faire figurer au passif de leur bilan leurs engagements retraite, toutes, y compris la SNCF et la RATP, ont d’ores et déjà mis en place des caisses autonomes et développé des pratiques d’adossement qui leur permettent de s’ouvrir sans dommage aux contraintes du marché.

    mm
  • Publié le 5 janvier 2020
  • Mise à jour: 6 janvier 2020
  • Dépèche n°31641

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