Sécurité sociale

« Pas coupable ni responsable » mais limogé, Richard Decottignies gagne en Conseil d’Etat

Harcèlement sexuel : blanchi par la justice et par l’Igas, le directeur de l’Enim avait toutefois été limogé. Le décret du Président de la République qui l’avait relevé de ses fonctions vient d’être censuré par la haute juridiction administrative.

Harcèlement sexuel : blanchi par la justice et par l’Igas, le directeur de l’Enim avait toutefois été limogé. Le décret du Président de la République qui l’avait relevé de ses fonctions vient d’être censuré par la haute juridiction administrative.

 
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    Alors que la France vient de vivre un nouvel épisode dans la libération salutaire de la parole en matière de harcèlement, de contraintes et d’abus sexuels, la satisfaction de voir évoluer la société dans le bon sens ne peut gommer la crainte d’aller trop vite à juger les personnes.

    Un dossier concernant la Sécurité sociale et passé largement inaperçu vient nous rappeler que s’il faut faire preuve d’une extrême rigueur, ce principe d’action doit s’appliquer à charge et à décharge.

    C’est un peu le sens d’une récente décision du Conseil d’État qui a annulé le décret présidentiel relevant Richard Decottignies de ses fonctions de directeur général de l’Enim. La décision est suffisamment extraordinaire pour s’attacher au fond du dossier.

    Le 29 mai 2019, un décret du Président de la République mettait en effet fin prématurément aux fonctions de ce cadre dirigeant expérimenté de la Sécurité sociale, nommé en décembre 2016 pour remettre de l’ordre dans une structure à l’organisation spécifique, dont la gestion était pointée du doigt par des rapports de l’Igas, du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable) et du contrôle économique et financier notamment, et la faire évoluer vers un organisme de sécurité sociale de droit commun. Une nomination fort mal reçue à l’époque par la Direction des Affaires Maritimes qui voyait d’un mauvais œil l’intervention d’une personne extérieure dans un fonctionnement jusqu’alors organisé au sein de la famille des gens de mer.

    Une convention d’objectifs et de gestion reconnue comme « particulièrement contraignante » par ceux qui l’avait négociée avant la prise de fonction de Richard Decottignies était mise en place sur la période 2016-2020 en ce sens.

    Manifestement, cette « redéfinition » fut rapidement mise en œuvre. Ainsi, tous les objectifs fixés par la COG ont été atteints comme le retracent les rapports du contrôle économique et financier et d’activité 2017 et 2018, les irrégularités relevées précédemment étaient corrigées et le service aux ressortissants amélioré. A tel point que les comptes de l’Enim furent, pour la première fois depuis 2008, certifiés sans réserves par le Commissaire aux comptes pour l’exercice 2018 (voir Fil-Social n°29570).

    Une évolution qui n’aurait été que positive, si elle n’avait pas été occultée par ce que certains ont pu désigner par « l’affaire Decottignies » et la publicité qui en a été faite. Le directeur général de l’Enim était en effet accusé, à l’été 2018, d’avoir eu une attitude « inappropriée » envers une collaboratrice qui évoquait du harcèlement sexuel et moral. Des faits fermement contestés par le présumé auteur.

    Pressé par une de ses tutelles, la direction des affaires maritimes, Richard Decottignies refusait de démissionner, ce qui a entrainé, en parallèle de la procédure judiciaire, une mission d’inspection conjointe de l’IGAS et du CGEDD (Conseil général de l’environnement et du développement durable). Un grand nombre de collaborateurs de l’Enim ont été auditionnés dans ce cadre.

    En février 2019, une ordonnance du Tribunal Administratif de Poitiers a rejeté la qualification de harcèlement sexuel et moral. En avril 2019, le rapport IGAS/CGED allait dans le même sens, tout en préconisant le retrait du directeur, répondant à une vigoureuse injonction : «  tout dirigeant accusé à tort ou à raison de harcèlement sexuel doit être immédiatement démis de ses fonctions  ». Ce qui conduit à son limogeage en mai 2019.

    Refusant l’idée d’être « ni responsable, ni coupable », mais sanctionné, Richard Decottignies, qui avait poursuivi jusqu’ici une carrière très honorable (notamment au sein du cabinet du Président de la CNAM, du GIP-CPS, et de l’Institut des Données de Santé) poursuivait son combat devant le Conseil d’État, et obtient donc la censure du décret présidentiel, pour décision « …prise au terme d’une procédure irrégulière »..

    Les nombreux observateurs de cette « affaire » que nous avons pu consulter interprètent cette décision «  comme un signal fort aux pouvoirs publics. On se doit en effet, quel que soit le poste occupé, de respecter les droits fondamentaux de la présomption d’innocence et de la défense  » nous ont-ils confié. Le Conseil d’État a pu en effet notamment constater que les 55 procès-verbaux d’audition que Richard Decottignies était en droit d’obtenir, ne lui avaient pas été communiqués malgré ses demandes répétées.

    Sur le fond, cette affaire pourrait bien ne pas seulement relever d’un certain « emballement moral voire puritain », pour s’expliquer par un conservatisme farouche. Elle est en effet assez symptomatique de la difficulté de faire évoluer des structures d’essence strictement professionnelle vers un cadre plus général. Une difficulté qui marque par ailleurs, pour une large part, la délicate réforme des retraites...

    mm
  • Publié le 9 février 2020
  • Mise à jour: 10 février 2020
  • Dépèche n°32058

pastille cfc

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