La CGScop (Confédération générale des Scop, l’organisme fédérateur des sociétés coopératives de production) a publié ce 17 février un communiqué intitulé : « Rachat du Groupement hospitalier de Grenoble. Pourquoi il faut opter pour la solution coopérative ». Le groupement hospitalier en question est le Groupement hospitalier mutualiste de Grenoble (GHMG), géré par une union mutualiste rassemblant l’union territoriale mutualiste et surtout Adréa Mutuelle, du groupe Aésio, l’un des acteurs majeurs du secteur.
Cette « solution coopérative » est, en fait, le dernier, mais peut-être pas l’ultime, épisode d’une histoire commencée en septembre avec la décision du conseil d’administration de l’Union mutualiste de céder les activités de l’établissement. Depuis, Adrea a été accusé, entre autres, de vouloir récupérer des fonds dans la perspective prochaine de sa fusion dans Aésio. En outre, nous sommes en période électorale et la mairie de Grenoble est la seule importante à être tenue par les « Verts » (EELV). Tout cela ne simplifie pas les choses. Pour finir, nul ne sait si le fait que le nouveau ministre des solidarités et de la santé, Olivier Véran, soit lui-même médecin et grenoblois, va avoir ou non une influence.
Un déficit récurrent
Le GHMG, qui emploie 1 100 personnes dont 200 médecins, regroupe la clinique mutualiste des Eaux claires, (créée en 1957 et dénommée familièrement la « Mut »), la clinique d’Alembert, le centre Daniel Hollard (cancérologie). Il s’agit du 2e acteur sanitaire du territoire après le CHU. Avec 440 lits, il accueille plus de 160 000 patients chaque année. Le chiffre d’affaires en est de 140 millions €.
Si les dirigeants mutualistes souhaitent céder cet établissement, c’est tout simplement parce qu’il perd de l’argent depuis des années : il cumulerait 24 millions d’euros de dette. Selon Patrick Brothier, président d’Adréa Mutuelle, dans un entretien avec le Dauphiné Libéré du 26 septembre, « il y a eu neuf années de déficit consécutif. L’an dernier, ce déficit était moins important, du fait d’éléments non récurrents, qui ne témoignent pas de la réalité des comptes de l’exploitation. Un audit que nous avons fait réaliser par un cabinet indépendant confirme qu’il n’y a pas de perspective de redressement dans la configuration actuelle ». Le diagnostic, selon la presse locale, souligne également un niveau d’endettement préoccupant (21,9 millions d’euros en décembre 2018), représentant 150 % des fonds propres. C’est pourquoi le conseil d’administration de l’Union gérant le GHMG a décidé la mise en vente. Ces responsables mutualistes estiment, en effet, qu’ils ont pour mission de gérer au mieux les finances de leurs organismes et, ainsi, l’intérêt des adhérents.
De vives réactions
Cette annonce a provoqué quelques vives réactions. Ainsi, le 30 janvier une manifestation se déroulait devant la clinique. Selon France 3 Auvergne Rhône-Alpes, « personnels soignants, habitants de Grenoble, usagers... Ils étaient environ 300 à s’être rassemblés devant la clinique mutualiste de Grenoble, pour préserver ce modèle de clinique privée non-lucrative. Elle offre des soins de qualité qui ne coûtent rien aux patients ». Les manifestants, en effet, craignent que le GHMG soit racheté par un acteur privé lucratif et qu’il perde son statut d’Espic (Établissement de santé privé d’intérêt collectif). Selon Thierry Caron, délégué syndical Force Ouvrière (syndicat majoritaire), cité par France 3, si cela est le cas, la conséquence en serait que « les patients aient à payer des dépassements d’honoraires énormes ». Alors qu’actuellement, c’est le GHMG qui prend en charge intégralement des dépassements d’honoraires. Le coût, en 2018, de cette prise en charge aurait été de près de 3,5 millions d’euros, selon les responsables du Groupement. Ce qui expliquerait une grande partie des problèmes.
Le représentant de FO, quant à lui, juge que cette vente a pour « but de faire de l’argent et non de permettre à toutes et tous de pouvoir se soigner ».
La Scop, une proposition parmi d’autres
Toujours devant les caméras de France 3, Thierry Carron explique la genèse de cette proposition de transformer l’établissement en Scic (Société coopérative d’intérêt collectif). Ce « contre-projet » permettrait, ainsi que le prévoit ce statut de Scic, « d’avoir plusieurs collèges : salariés, habitants de Grenoble, investisseurs, collectivités territoriales et publiques ».
Ce que confirme le communiqué de CGScop : « Les acteurs institutionnels comme la ville et la métropole, les partenaires de santé, les usagers, les salariés pourront s’inscrire dans le multi-sociétariat de la société coopérative. Ils seront les garants de l’utilité sociale du GHMG par le maintien du statut d’établissement privé à but non lucratif [...] Plusieurs salariés et médecins ont déjà fait part de leur volonté de participer au rachat et ont présenté leur vision stratégique du projet médical ».
On ne sait pas, pour autant, à l’heure où nous écrivons, si la ville de Grenoble ou la Métropole s’engageront dans cette démarche. Le maire, Eric Piolle, a seulement écrit en janvier : « en plus d’impacter les populations les plus fragiles, la cession à un acteur à but lucratif aurait également des conséquences dramatiques pour les équipes du CHU déjà complètement pressurisées » (les populations dont ils parlent se retournant alors vers le CHU).
Quoi qu’il en soit Adréa et les responsables de l’Union mutualiste gestionnaire ont déclaré qu’ils étudieront avec le plus grand soin toutes les propositions de reprise reçues (toutes sous le sceau de la confidentialité), qu’elles viennent du lucratif ou non, y compris la solution coopérative. Ils veilleront surtout à ce que « les éventuels candidats présentent une offre qui garantisse à la fois l’emploi, les conditions d’accueil des patients, la qualité et l’accessibilité de l’offre de soins et du plateau technique ».
mm