Ce 11 mars Harmonie Mutuelle et sa publication, Essentiel Santé Magazine, organisaient une « Agora » sur le thème des infox (fake-news en franglais) en santé, ces fausses informations qui pullulent sur des sites internet, ou ailleurs, et qui se propagent rapidement. Fausses informations souvent loin d’être sans danger.
Pour Harmonie Mutuelle, ainsi que le dit en introduction, Catherine Touvrey, sa directrice générale, l’organisation de ces rencontres, qui ont lieu dans toute la France sur des thèmes divers, a pour objectif de montrer que l’organisme mutualiste peut être « ce tiers de confiance qu’attendent les adhérents ». La même Catherine Touvrey constate, également, que le thème du jour pouvait on ne peut mieux tomber, en pleine crise du Covid 19, crise propice aux infox de toutes sortes.
Seulement 44 % des Français déclarent avoir été confrontés aux fake news
Essentiel Santé avait demandé à l’institut Via Voice de mesurer le ressenti des Français à l’égard de ce phénomène de société [1]. Selon ce sondage, « 44 % des Français déclarent avoir déjà été confrontés à des fake news [quel que soit le domaine] et que la moitié (44 %) d’entre eux avoue y avoir accordé du crédit ». Le chiffre est surprenant, ainsi que le remarquait un assistant à la réunion. On aurait pu s’attendre, effectivement, à ce qu’il ne soit pas inférieur à 100 %. Il est vrai que ceux qui croient à une fausse information ne la considèrent pas comme telle.
Dans le domaine de la santé, ils sont 91 % à estimer que la santé est un secteur sujet « à des informations mensongères » et 37 % à penser y avoir déjà été exposés.
Pour obtenir une information fiable en santé, 92 % font, avant tout, confiance à leur médecin, un chiffre un peu supérieur aux 84 % recueillis par les pharmaciens et les établissements de santé. Les « mutuelles [2] » arrivent à 67 %, à égalité avec les agences publiques, mais sont devancées par l’entourage proche (68 %), et devancent la presse spécialisée, les pouvoirs publics et obtiennent un score bien supérieur à ceux des médias généralistes, de l’industrie pharmaceutique et de tout ce qui touche à internet (sites, forums, réseaux sociaux etc.)
Pour autant, si ce sont bien les médecins que les personnes interrogées vont voir en premier pour s’informer sur les questions de santé, arrivent ensuite les sites internet, puis l’entourage, puis la presse santé, puis la télévision puis, enfin, les mutuelles. On peut en conclure que la logique n’est pas au cœur de leurs pratiques réelles.
Inquiétante est la proportion de personnes déclarant avoir pris une décision, en matière de santé, à la suite d’une information qu’ils ont ensuite déterminée comme fausse : 32 % dont comme résultat, pour 21 %, que la maladie s’est aggravée (pour 31 %, cela n’a eu aucun effet).
Comment donner une information fiable ?
Qui produit ces infox et que faire pour les contrecarrer ? Le Dr Laurent Chambaud, directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique, voit trois sources, en précisant que cela a toujours existé mais internet a changé la donne. Il y a tout d’abord des personnes qui n’ont pas l’intention de nuire, bien au contraire, mais donnent des conseils au mieux inefficaces, comme des recettes de grand-mère. La deuxième source est composée de ceux qui, sans vouloir nuire, profitent financièrement d’une situation de crise. La 3e source serait, au contraire, composée de personnes qui ont l’intention de nuire, de manipuler. Il y place ceux qui ont des intentions idéologiques, politiques, sectaires.
Si ces fake news ont tant de succès c’est que « l’on va chercher de l’information parce que l’on ne l’a pas ». D’où le rôle qui devrait être celui des professionnels de santé mais aussi des journalistes et des mutuelles, par exemple. D’où, pour le Dr Chambaud, l’une des réponses qui est « d’outiller le professionnel de santé pour qu’il puisse répondre aux questions ». Ce que fait son organisme en produisant des « capsules vidéo » (des films très courts) destinés aux médecins mais que ceux-ci peuvent montrer à leurs patients.
Propos confirmés par le Dr. Jean-Baptiste Méric, oncologue et directeur du pôle Santé publique et soins de l’Institut national du cancer (INCa), quand il explique que « les gens ont besoin de se raccrocher à des trucs simples ». Dans le cas du cancer, par exemple, il est difficile d’expliquer que l’on diminue la mortalité due à cette maladie tout en ne pouvant pas affirmer à une personne malade qu’elle guérira.
En somme, l’objectif est de « donner une information scientifique compréhensible par le grand public ». Donner une information fiable, accessible et aussi attirante que celle que véhiculent des infox, est l’un des objectifs de l’Inserm. Priscille Rivière, sa directrice de la communication par intérim, montre l’exemple de Canal Detox,. Il s’agit de courtes vidéos produites par l’Inserm, qui donnent à des scientifiques la possibilité, en parlant en français de tous les jours, de décoder les informations qui circulent dans le domaine des sciences de la vie et de la santé. Notons, parmi les questions auxquelles des réponses sont données, « Assistons nous à une épidémie d’autisme ? », « Les téléphones mobiles sont-ils dangereux ? » ou bien « Le café permet-il de soigner la maladie d’Alzheimer ? ». A cette dernière question, la réponse est que cela semble ralentir la progression de la maladie chez les personnes atteintes.
mm