La Fnim a saisi, ce 24 mars, l’ACPR sur la suite donnée aux recommandations émises par l’EIOPA, le superviseur européen quant aux obligations de reporting des organismes d’assurances (voir Fil-Social n°32452). Philippe Mixe, président de la fédération répond aux questions du Fil-social.
Quel est le sens de cette requête ?
Il ne vous a pas échappé que nous sommes dans une situation d’urgence exceptionnelle qui bouleverse le fonctionnement de toutes nos structures. Depuis le début de la crise, nous avons cerné plusieurs points de difficultés qui pourraient avoir des conséquences graves pour les mutuelles en général, et les mutuelles de proximité en particulier. Au nombre de ces difficultés étaient les obligations de reporting prudentiel. C’est pourquoi nous avons été satisfaits de voir l’EIOPA recommander la souplesse et prévoir des délais pour les traitements. Et donc nous avons demandé à l’ACPR quelle serait sa position.
Pensez-vous que l’ACPR prendra en compte ces aménagements ?
Je ne le pense pas, j’en suis aujourd’hui certain. En effet, l’ACPR a réagi immédiatement et j’ai pu échanger avec Patrick Montagner, Premier secrétaire adjoint de l’autorité de contrôle. Cette réactivité montre la sensibilité au problème et la volonté d’adapter nos méthodes à la situation.
Que sort-il de cet échange ?
Monsieur Montagner a été parfaitement clair : l’ACPR va reprendre les préconisations de l’EIOPA, et donner des délais aux mutuelles (mais pas seulement) pour la remise des états prudentiels. Nous sommes allés plus loin car au-delà de ces délais, des questions pratiques se posent.
Les textes ne l’imposent pas mais il est l’usage que les QRT soient réalisés après que les comptes aient été validés par le conseil d’administration des mutuelles. Le directeur peut valider ces QRT, mais l’ACPR m’a confirmé qu’il était souhaitable que ces documents importants soient validés par les élus mutualistes après qu’ils aient arrêté les comptes.
Et si, comme nous pouvons le penser, l’état de confinement est prolongé, il sera difficile de réunir ces conseils pour une remise des QRT 2019 le 21 avril (au lieu du 7 avril).
Peut-on adapter le processus de validation ?
La question est posée de la possibilité de tenir des conseils ayant capacité délibérative sous forme de visioconférence. Sur ce point l’échange a été fructueux et constructif. Monsieur Montagner m’a informé que dans le cadre des textes d’application lié à l’urgence sanitaire, une disposition prévoira que, sauf interdiction statutaire, les conseils pourront se réunir à distance et délibérer.
Beaucoup de statuts obligent à la réunion présentielle ?
Je n’ai pas connaissance de statuts interdisant la visio-réunion. Mais même dans ce cas, le texte annoncé donnera la possibilité, sur la base d’une consultation préalable des administrateurs, de déroger à cette interdiction.
Si je suis très satisfait, c’est que j’ai le sentiment que tout est fait pour faciliter la vie démocratique de nos instances. Cette possibilité de réunion à distance est une attente très forte de nos mutuelles.
Notre fédération a d’ailleurs qualifié une solution technique pour sa simplicité, et accompagne les mutuelles membres dans sa mise en place, lorsqu’elles sont encore en recherche.
Vous évoquiez plusieurs points de difficulté, quels sont les autres et avez-vous pu les aborder avec l’ACPR ?
J’ai pu aborder effectivement un autre point qui nous préoccupe. Déjà, nous enregistrons des demandes d’entreprises pour un report de cotisations. Et d’autre part, nous devons nous attendre à des niveaux de prestations importants. Cet effet ciseau mettra en tension les trésoreries des mutuelles.
Si elles doivent respecter toutes les règles de solvabilité, elles seront certainement obligées de procéder à des désinvestissements et ce, dans une période particulièrement mauvaise pour les marchés, et avec des effets négatifs que l’on peut imaginer.
Là encore, j’ai eu le sentiment d’avoir un interlocuteur attentif à nos préoccupations. Les difficultés devraient être traitées au cas par cas et l’ACPR se positionne là plus comme un accompagnateur de nos mutuelles que comme un contrôleur et un censeur. Je ne peux que m’en satisfaire.
Comment cela pourrait-il se traduire ?
Il est trop tôt pour répondre avec précision. Nous avons des propositions, comme la mise en place de moratoires permettant aux mutuelles d’étaler leurs efforts pour reconstituer leurs marges de solvabilité. Je suis convaincu qu’en assurances comme dans d’autres domaines, il y aura un « après covid-19 » et que nos sociétés devront réfléchir à leurs organisations et règles. Nous voulons prendre part à cette réflexion et nous sommes prêts à travailler avec l’ACPR pour trouver des solutions permettant de dépasser cette situation exceptionnelle.
mm