Sécurité sociale

Gérard Darmanin a jeté un pavé dans la mare en milieu de semaine en indiquant que le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 41 milliards d’euros en 2020. « Du jamais vu », selon Bercy, ont immédiatement repris des médias manifestement peu au courant de l’histoire du financement de la protection sociale et uniquement soucieux de noircir la situation.
On rappellera d’abord que la crise de 2007-2008 qui se produisait dans un contexte de déficit continuel du régime général de la sécurité sociale (...)

 
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    Gérard Darmanin a jeté un pavé dans la mare en milieu de semaine en indiquant que le déficit de la sécurité sociale pourrait atteindre 41 milliards d’euros en 2020. «  Du jamais vu  », selon Bercy, ont immédiatement repris des médias manifestement peu au courant de l’histoire du financement de la protection sociale et uniquement soucieux de noircir la situation.

    On rappellera d’abord que la crise de 2007-2008 qui se produisait dans un contexte de déficit continuel du régime général de la sécurité sociale depuis 1994, avait singulièrement aggravé la dette sociale. En 2012, par exemple, dans les comptes établis par la commission des comptes de la sécurité sociale qui fait autorité en la matière, le déficit annuel de la sécurité sociale culminait à 28 Mds €.

    Cette situation a conduit à une envolée de la dette sociale puisque les déficits cumulés ont allègrement franchi le cap des 200 Mds € pendant le septennat de François Hollande. C’est d’ailleurs cette situation qui avait conduit le président de la République en fin de mandat et poussé par la Cour des comptes à engager un processus de désescalade de la dette sociale passant par la disparition de la Cades et par le transfert du traitement de la dette sociale de Ségur à Bercy via l’Agence France trésor.

    D’abord un problème de recettes

    Seconde remarque. Le montant du déficit 2020 sera important et ne saurait être mésestimé. Toutefois, il se produit dans un contexte relativement assaini puisque les derniers chiffres de la Cades (Caisse d’amortissement de la dette sociale mise en place en 1996 par le gouvernement Juppé), publiés début janvier, confirmaient que la trajectoire de remboursement de la dette sociale était respectée.

    Rien, à voir par conséquent avec la dégradation des comptes en 2007-2008 qui s’était produite dans un environnement déjà très détérioré. Début janvier, les experts tablaient donc toujours sur la fin de la Cades en 2024 en lien avec l’effacement de la dette sociale. En fait, nous l’avons écrit ici même, Jean-Louis Rey, actuel président de la Cades, imaginait déjà qu’en 2024 il faudrait mettre en place un autre outil que la Cades pour prendre en charge un reliquat de dette sociale (déficit des hôpitaux publics et de l’assurance chômage et engagements de l’Acoss) qui atteindrait 110 Mds €. Mais c’était en janvier et l’on peut imaginer que, sauf rebond spectaculaire des économies occidentales, le reliquat de 2024 pourrait demeurer plus important que prévu.

    Troisième remarque. Alors que dans le passé la dégradation des comptes résultait d’une trop forte progression des dépenses au regard des recettes, notamment dans la branche maladie, une large partie du déficit résulte cette fois d’un effondrement des cotisations patronales et salariales lié à l’arrêt quasi-total de l’activité. Sauf à penser que la crise sanitaire s’éternise prolongeant du même coup la crise économique, il suffira d’une remise au travail des Français pour que l’activité redémarre générant des recettes nouvelles. Bien évidemment l’avenir sur ce point est loin d’être écrit.

    En revanche, si l’on a du mal à discerner de ce que sera fait l’avenir, on connaît le passé. Même si cela ne fait pas forcément plaisir à ceux, qui comme en Amérique réduisent la sécurité sociale à un mode de gestion « communiste » de la société, il faut rappeler que creuser le trou en période de grave difficulté – ce qui est bien le cas aujourd’hui –, entre dans la vocation de la sécurité sociale depuis ses origines. Mieux encore, c’est inscrit dans ses gènes. En octobre 1945, Pierre Laroque qui avait écrit les ordonnances créant la sécurité sociale sous les ordres d’Alexandre Parodi, ministre du Travail et de la Sécurité sociale de septembre 1944 à octobre 1945, avait résumé la pensée des membres de Conseil national de la Résistance : «  la sécurité sociale, disait-il, répond à la préoccupation fondamentale de débarrasser les travailleurs de la hantise du lendemain qui crée chez eux un sentiment complexe d’infériorité, qui arrête leur possibilité d’expansion et qui créée la distinction injustifiable des classes entre les possédants qui sont sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les non-possédants, constamment sous la menace de la misère  ». Faire le choix du déficit et faire référence à l’État-providence comme l’a fait Emmanuel Macron, en annonçant le confinement des Français à la mi-mars, se situait très exactement dans cette logique que ne sauraient récuser les forces de gauche.

    L’assurance chômage en voie d’étatisation ?

    Bien évidemment cette stratégie n’exclut pas que les pouvoirs publics réfléchissent à des modalités de sortie de crise qui permettent de contenir la dette sociale dans des limites acceptables. De ce point de vue en effet, il faut cesser les amalgames.

    D’un côté il y a le déficit de la sécurité sociale qui va peser dans ses trois branches (maladie, vieillesse, famille). De l’autre, il y a le déficit de l’assurance chômage. Sur ce front-là la situation est radicalement différente.

    De fait, alors que la situation financière de la sécurité sociale s’améliorait, celle de l’assurance chômage n’a cessé de se dégrader. En dépit des mesures prises depuis 1984 (distinction des dépenses d’assurances et de solidarité), jusqu’à la création de Pôle emploi en 2008 et le remplacement de la cotisation salariale à l’Unedic par de la CSG (Contribution sociale généralisée) en 2019, le déficit progressait jusqu’à représenter ces derniers mois 37 Ms €, soit près d’une année de prestations… Les partenaires sociaux se montrant incapables de s’entendre sur des mesures de nature à arrêter l’hémorragie, l’État était contraint de prendre la main pour imposer des économies qui ne pouvaient résulter que de coupes claires dans les prestations.

    Bien évidemment le fait que le cap des 10 millions de chômeurs à temps partiel ait été franchi ces derniers jours, du fait de l’arrêt de l’activité, fait d’un coup remonter la dette de l’Unedic à 42 Mds €. C’est évidemment beaucoup, mais tous les spécialistes de l’assurance chômage le savent aussi, il suffit que l’activité reprenne pour que mécaniquement les cotisations quasi instantanément repartent à la hausse.

    Il n’empêche que même si les pouvoirs publics et les partenaires sociaux parvenaient à s’entendre sur des mesures à court terme, ils ne feraient pas ultérieurement l’économie d’une réforme de fond du régime. Mais on voit mal les partenaires sociaux, qui ne sont pas parvenus à s’entendre il y a un an dans un contexte social moins perturbant, apporter aujourd’hui des réponses innovantes aux questions posées.

    Pressentant que le débat sur ce point est loin d’être terminé, le Medef a d’ores et déjà avancé ses pions en appelant les salariés à redoubler d’ardeur en sortie de crise. De son côté, le secrétaire général de la CFDT Laurent Berger a rappelé son hostilité au plan de redressement du gouvernement annoncé l’automne dernier... mais sans jamais prendre en compte les changements intervenus ces dernières semaines. En réalité la CFDT, qui s’est emparée de l’Unedic en 1992, n’a pas mieux réussi que FO. Nicole Notat, Michel Jalmain, Annie Thomas, Gaby Bonnand et Patricia Ferrand, les présidents successifs, ne sont jamais parvenus à rétablir durablement la situation financière du régime. La faute au patronat ? Sans doute un peu, mais pas seulement. L’État a aussi sa part de responsabilité quand, sur la question sensible du rétablissement de l’emploi, il pose ses conditions aux gestionnaires.

    Mais il y a plus grave, ces gestionnaires côté syndicats et organisations d’employeurs ne donnent plus l’impression aujourd’hui de vouloir et de pouvoir cogérer ce volet de la protection sociale. Après le désengagement opéré en 2004 dans la santé, ce qui est en cause ici c’est tout simplement la pérennité du mode de gestion paritaire de la protection sociale. Une modalité d’autant plus malmenée qu’à la faveur de la crise sanitaire, tout le monde s’en remet peu ou prou à l’État protecteur. L’État-providence.

    mm
  • Publié le 28 avril 2020
  • Dépèche n°32806

pastille cfc

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