Une note du Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), publiée le 15 mai, confirme, en quelque sorte, ce que l’on savait ou soupçonnait déjà, à savoir que la crise du Covid-19 est une « une rupture sans précédent pour la sécurité sociale ». C’est d’ailleurs le titre du document. En particulier (voir Fil-Social n°32806) et (voir Fil-Social n°32601).
Pour autant, pour le HCFiPS, « s’il est trop tôt pour mesurer l’impact de cette crise sur les finances sociales, [...] le déficit des comptes sociaux [devrait] a priori atteindre en 2020 un niveau jamais observé ».
Effectivement, alors que les comptes de la protection sociale prévoyaient un retour à l’équilibre pour 2023 (au lieu de 2019 comme prévu précédemment (voir Fil-Social n°30698)), la pandémie vient bouleverser ces prévisions et surtout rendre incertaines toutes conjectures. Ce ne sont pas tellement les dépenses qui sont en cause, même s’il est envisagé leur croissance, mais bien plutôt la baisse des recettes, quasiment inévitable.
Des mesures d’urgence qui amènent un déficit global de 41 milliards d’euros
Ainsi, au-delà du maintien des prestations habituellement servies, « de très nombreuses mesures, dont l’ampleur, les périmètres et les modes opératoires ont par ailleurs évolué régulièrement depuis le début de la crise, ont été adoptées en urgence ». Mesures qui touchent, en premier lieu, les ressources de la protection sociale (report des échéances de prélèvements, suspension des contrôles, exonérations sociales). Quant aux dépenses, sont touchées, aujourd’hui, l’assurance chômage (financement du chômage partiel, maintien des droits, suspension des réformes prévues), l’assurance maladie (mesures à destination des assurés, des professionnels de santé ou du système de soin), et « dans une moindre mesure, les champs relatifs à la famille, au logement, à la lutte contre la pauvreté, ainsi que la branche retraite ».
Si certaines mesures, sont déjà annoncées comme devant perdurer- le maintien des droits des intermittents jusqu’en août 2021 par exemple- les auteurs du rapport estiment, en outre, que « d’autres mesures seront probablement adoptées au fil de l’eau » notamment la transformation, pour certains secteurs, des reports d’échéances de prélèvements en annulation de cotisations.
In fine, « l’annonce du ministre des comptes publics devant le Sénat d’un possible déficit du régime général et du FSV à hauteur de 41 Md€ (soit environ 10% des dépenses) illustre l’ampleur de ce retournement » qui ne tient pas compte, donc, de décisions à venir.
Cette somme « résulterait d’une contraction des recettes (33 Md€), mais également [d’une croissance] des dépenses (8 Md€) ».
En ce qui concerne le chômage, un déficit de 1,5 Md€ en 2020 était attendu. Pour le rapport, ce déficit pourrait, de fait, atteindre 15 Md€.
Les dépenses devraient augmenter mécaniquement
Les dépenses de la branche maladie devraient augmenter, « même si la crise pourrait à très court terme se traduire par des éléments jouant en sens contraire », comme le report des opérations non urgentes, la fermeture de cabinets médicaux, la diminution du nombre d’accidents.
Pour autant, cela pourrait « être contrebalancés par les garanties de maintien des ressources décidées par le Gouvernement pour les établissements de soins ». Le Gouvernement envisage une augmentation de l’Ondam de 7%, contre 2,45% prévu par la LFSS, soit un impact de l’ordre de 8 Md€.
Pour le rapport, d’autres postes de dépenses pourraient augmenter, « dans une ampleur toutefois plus modeste ». Ainsi les dépenses de la branche famille seront « probablement supérieures à la prévision » et « les dépenses d’action sociale, voire de gestion courante, pourraient également être supérieure à la prévision initiale ».
On peut s’étonner, au passage, que le rapport ne mentionne pas ce que craignent de nombreux observateurs, à savoir une augmentation des dépenses due à des soins non effectués durant la crise et qui peuvent provoquer une aggravation de l’état de santé des personnes concernées (voir Fil-Social n°32954).
Les recettes devraient diminuer tout aussi mécaniquement
L’essentiel de l’impact, donc, portera sur les recettes. Le rapport rappelle que « le Gouvernement a retenu une hypothèse de contraction du Pib de 8% pour l’année 2020, mais l’amplitude de cette contraction dépendra notamment des modalités du déconfinement et de l’environnement international ».
L’hypothèse retenue est une contraction de la masse salariale de 7,5%, contre une prévision initiale de 2,8%, « affectant mécaniquement les recettes sur les revenus d’activité du secteur privé », qui pourrait être de l’ordre de 20 Md€, « sans même tenir compte de possibles annulations d’échéances de prélèvements ».
Pourraient s’y ajouter, d’autres diminutions de recettes (secteur agricole, particuliers employeurs) et celui des travailleurs indépendants.
La crise aura également un impact sur les recettes assises sur les revenus du capital, compte tenu de la contraction des principales assiettes.
Une incertitude réside toutefois dans l’utilisation qui pourra être faite par les ménages français du surplus d’épargne accumulé durant le confinement, estimé à environ 55 Md€.
Enfin, le niveau des recettes fiscales assises sur la consommation (TVA, droits de consommation sur les tabacs [1] et les boissons…) devrait également baisser. La perte de recettes en matière de TVA pourrait être de 5 Md€ pour la sécurité sociale en 2020
La conclusion du rapport est que « la question des relations financières entre l’État et la sécurité sociale continuera d’être centrale, afin que la sécurité sociale puisse dégager elle-même progressivement les marges de manœuvre nécessaire à une normalisation de sa situation financière ».
mm