Dominique Libault présentait, ce 24 septembre, le rapport sur la sécurité sociale des indépendants, préparé à la demande du Premier ministre par le Haut Conseil au Financement de la Protection Sociale (HCFiPS) qu’il préside. La lettre de mission évoquait quatre axes d’investigation :
- l’équité du régime
- les règles de rattachement à la Sécurité sociale
- les relations de service vers la population spécifique
- le contrôle et la lutte contre la fraude
Les évolutions récentes, avec l’essor des auto-entrepreneurs et l’importance des plateformes ont comme conséquence la croissance de la population des travailleurs indépendants précaires, explique Dominique Libault qui pointe la situation de la moitié des chauffeurs VTC déclarant moins de 550 euros de revenus par an, ou celle d’un tiers des micro-entrepreneurs qui ne valident dans l’année aucun trimestre pour leur retraite. « Il y a dix ou quinze ans, je disais que dès l’entrée en activité professionnelle, on se créait des droits à retraite, je ne peux plus le dire aujourd’hui » indique le président du HCFiPS. En d’autres termes, la micro-entreprise a créé des trous importants dans le filet de la protection sociale.
Du coup, le rapport suggère de mieux documenter le profil socio-économique des indépendants précaires, pour mieux répondre à leurs besoins.
Si l’intégration du RSI dans le régime général « s’est plutôt bien passé », cette évolution était portée par le principe d’universalité de la sécurité sociale. « Mais il ne faut pas penser que l’universalité entraîne l’équité » alerte Dominique Libault.
Le rapport soulève clairement cette question. La cause ? L’assiette des prélèvements sociaux est défavorable aux travailleurs indépendants, qui subissent une assiette de CSG (qui ne constitue pas de droits) plus large que celle des salariés, alors que celle des cotisations (productrices de droits) est plus étroite. Pour les bas revenus (une grande partie des travailleurs indépendants), s’ajoutent les mécanismes d’exonérations de cotisations employeur sur les bas salaires qui creusent l’écart.
Le HCFiPS en fait la démonstration chiffrée : pour un revenu net proche du Smic, 14625 euros, que le travailleur soit un artisan non microentrepreneur ou salarié, son taux effectif de prélèvements sera de 30,8 % ou de 21,5 %. Dans le même exemple, le ratio entre la pension de retraite annuelle et les cotisations annuelles sera de 3 pour le premier, de 6,4 pour le second.
Le rapport préconise donc une action sur les cotisations minimales, sur les exonérations de début d’activité, sur le rattachement ou sur les modalités de calcul des droits pour les micro-entrepreneurs. « Si ont veut travailler sur l’acceptation du prélèvement social, il faut nécessairement s’inquiéter de l’équité » conclut Dominique Libault.
Le dossier des plateformes
L’essor du travail indépendant intermédié via les plateformes anime de nombreux débats sur la protection sociale. Un des arguments forts avancés pour un statu-quo est que ce modèle est consubstantiel à cette nouvelle forme d’activité et que tout changement mettrait en péril ce pan de la nouvelle économie.
Le rapport fait une proposition innovante : le rattachement du travailleur au régime général, avec une participation (à négocier) de la plateforme (entre 10 et 20%), sans que cela modifie le statut social du travailleur. Pas de contrat de travail, mais une sécurité sociale de salarié. Cela pourrait commencer par une expérimentation pour les plateformes de mobilité, que l’on étendrait ensuite à l’ensemble.
Une approche globale des travailleurs indépendants
Un autre élément fort du rapport est la suggestion d’une offre globale pour le travail indépendant, qui passe par une convention d’objectifs et de gestion inter-branche, la mise en place d’un guichet commun, une amélioration de la stratégie multicanal d’information qui ne reposerait pas sur une déclinaison des outils généraux mais sur la mise en place de moyens spécifiques.
De plus, il conviendrait que le service public mette en place un véritable dictaticiel accompagnant le choix du statut, « trop souvent réalisé aujourd’hui avec une vision de court terme sur les prélèvements, sans se soucier de l’ensemble des conséquences ».
Enfin, il faut lisser les points d’irritation qui persistent, dont le décalage entre la perception du revenu et le paiement des cotisations. Pour cela, le rapport suggère une généralisation de l’auto-liquidation. Une pratique qui met les microentrepreneurs et les autres travailleurs indépendants sur un pied d’égalité.
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