« Orphelin et inconnu, ça fait beaucoup ». Le colloque organisé par la Fondation d’entreprise OCIRP le 14 décembre nous a offert un nouvel exemple du rôle social des institutions de prévoyance.
En construisant, en 2009, cette Fondation, l’OCIRP a en effet voulu apporter son soutien à un sujet méconnu, l’orphelinage et les conséquences du décès d’un ou des parents dans les différents aspects de la vie des enfants. Et de dépasser son rôle premier qui est d’apporter, depuis plus de 40 ans, des réponses financières aux familles endeuillées.
Quoi de plus normal, finalement, après avoir pris connaissance, l’année dernière, du témoignage poignant de Serge Moati sur le sentiment de culpabilité et la solitude de l’orphelin que de traiter d’une question rarement -sinon jamais- posée : l’invisibilité sociale des orphelins.
Pour cela, la Fondation avait réuni au Conseil Economique, Social et Environnemental quatre personnes d’horizons très différents qui, au-delà des recherches scientifiques, étaient venu témoigner. Pour Michel Keller, président de l’Ocirp, les projets soutenus et le ce colloque devraient répondre à un objectif : « sortir du silence et rompre l’isolement demeurent des enjeux forts pour permettre à ces enfants et adolescents de continuer d’avancer et de se construire »
N’ayez pas peur
Marine Lambert
Barbeau - Ocirp
« N’ayez pas peur » lance avec énergie Marine Lambert [1]. « N’ayez pas peur de parler, d’interroger, d’aller devant l’enfant » répétait cette jeune étudiante et orpheline de mère à l’âge de 14 ans qui demande à la société de regarder les orphelins pour ce qui sont, des enfants, et non pas seulement des êtres endeuillés.
« Ah, si on pouvait dire simplement : je suis orpheline, sans que la personne en face ne perçoive une attente de compassion, cela permettrait certainement de construire des relations plus saines, basées sur une simple information au même titre que je suis étudiante... »
Boris Cyrulnik
Barbeau - Ocirp
Pour Boris Cyrulnik [2], qui apportait à la fois ses souvenirs d’orphelins et son témoignage de scientifique, « les orphelins sont admirés et craints. D’ou l’ambivalence quant à leur place sociale ». Pour ce neuropsychiatre, le regard social prend sa source dans la peur de l’inconnu. D’où la recherche de repères sociaux. Or, l’orphelin n’apporte ni référence, ni garantie à la société. « Ne serait-il pas l’enfant d’un ennemi » indique-t-il en évoquant les réactions des premières sociétés humaines.
Cette invisibilité sociale a des effets importants pour la construction de l’enfant orphelin. Guillaume Le Blanc [3] a pu écrire dans son ouvrage que « l’invisibilité sociale peut-être caractérisée par un processus aboutissant à l’impossibilité de prendre part à la vie sociale ».
Hélène Romano
Barbeau - Ocirp
D’autant que, comme l’indiquait Helène Romano [4], l’orphelin est souvent tenté par le silence et l’isolement pour tout ce qui a trait à son deuil. Du coup, il faut trouver des interfaces particulières pour pouvoir aborder ces questions. Et, rappelle cette spécialiste, il ne faut pas oublier que l’orphelin est "multiendeuillé". En effet, ayant perdu un de ses parents, voire les deux, il constate que tout son environnement familial a changé, car il est lui même en deuil.
Une chose est sure, pour Hélène Romano, « pour les enfants comme pour les adultes, le deuil n’est pas une maladie mais il peut le devenir... »
Le silence comme ennemi
Jérôme Clerc
Barbeau - Ocirp
Prolongeant la réflexion, Jérôme Clerc [5], qui engage un travail de recherche sur les problèmes spécifiques des orphelins précise que « le premier ennemi des orphelins est le silence. Donc tout ce qui contribuera à le briser est bon... »
Pour le chercheur, un axe est à souligner. Compte tenu des difficultés sociales rencontrées par les orphelins, ont peut considérer que ces derniers vivent parfois dans des situations de handicap, liés à leurs rapports avec leur environnement. Pour Jerôme Clerc, il est donc important de cerner ces facteurs de handicap, à toutes les étapes de la vie de l’orphelin, et notamment à l’école.
C’est d’ailleurs à l’école que s’adresse une étude que lancera prochainement la Favec et qui sera relayée par l’Ocirp. Il s’agit en effet de recenser les difficultés de natures diverses qui peuvent expliquer des problèmes de scolarisation et, plus généralement, de cerner le vécu scolaire des orphelins.
Cette rencontre, émouvante, avec une réalité méconnue a, peut-être, connu un de ses moments les plus forts avec l’intervention d’une mère en fin de réunion : « Ma fille de 19 ans, orpheline de père, est obligée de travailler tous les week-ends pour financer ses études et préparer son avenir. De quoi faire du burn-out avant même d’engager sa carrière. Est-ce là le sort que réserve notre société à ses orphelins ? »
Organiser des réponses sociales
A cette question, l’Ocirp cherche, depuis plusieurs décennies, à apporter une réponse. Avec modestie, car l’union de prévoyance sait que son intervention ne pourra répondre à tous les enjeux, elle organise une protection des enfants à travers des contrats groupes apportant une rente aux orphelins pour financer leurs études. Pour Bernard Devy, vice-président de l’Ocirp, « c’est l’illustration de la mission des organismes paritaires de protection sociale que d’analyser les problèmes rencontrés par les familles et de mettre en place des réponses face aux aléas de la vie. »
Vous pourrez retrouver l’ensemble des projets soutenus sur le site de la Fondation d’entreprise Ocirp
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