Fiscalité
 

Difficultés fiscales en vue pour les groupements de moyens ?

Les groupes mutualistes et paritaires verront-ils leur organisation autour des groupements de moyens remis en cause. Trois décisions de la CJUE ont pour conséquence l’application de la TVA aux flux financiers de ce type d’organisation. L’analyse de Thierry Guillois, avocat.

Les groupes mutualistes et paritaires verront-ils leur organisation autour des groupements de moyens remis en cause. Trois décisions de la CJUE ont pour conséquence l’application de la TVA aux flux financiers de ce type d’organisation. L’analyse de Thierry Guillois, avocat.

 
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    Trois décisions de la Cour de justice de l’union européenne (CJUE) remettent en cause la situation fiscale des groupements de moyens mis en place dans les groupes paritaires ou mutualistes en soumettant leurs activités à la TVA. L’analyse de Thierry Guillois, avocat associé au cabinet PDGB Avocats.

    Thierry GUILLOIS Thierry GUILLOISPDGB Avocats DR

    Le 21 septembre dernier, la Cour de Justice de l’Union Européenne a rendu trois arrêts [1] remettant en cause l’exonération de TVA dont bénéficient jusqu’à maintenant les groupements de moyens constitués entre entreprises d’assurance (quelle que soit leur forme, mutuelle, institution paritaire ou société d’assurance), afin de refacturer à ces dernières des moyens mis en commun.

    Ces décisions, il est vrai redoutées dans les milieux concernés depuis quelque temps, font suite à un arrêt du 4 mai 2017 ayant déjà interprété de façon restrictive le champ d’application de cette exonération prévue par la directive européenne 2006/112/CE relative à la TVA.

    La décision du 4 mai avait d’une part, considéré que les services rendus à un groupement par un membre ne pouvait bénéficier de l’exonération et d’autre part, remis en cause la tolérance présente dans plusieurs réglementations nationales autorisant les groupements à continuer à bénéficier de l’exonération quand bien même certains membres auraient un chiffre d’affaires taxable ne dépassant pas un certain pourcentage (20% en France).

    Les trois arrêts du 21 septembre limitent davantage encore le bénéfice de l’exonération prévue au profit desdits groupements aux seuls membres exerçant des activités d’intérêt général à l’exclusion de ceux exerçant des activités d’assurance ou bancaire.

    Il va de soi que ces décisions sont susceptibles d’avoir un impact immédiat sur les groupes constitués notamment par des mutuelles relevant du Livre II du Code de la Mutualité ou des institutions paritaires relevant du Livre IX du Code de la Sécurité Sociale et ayant mis en place, en son temps, un groupement de moyens, soit sous la forme d’une union du Livre I, soit sous celle d’un GIE ou encore d’une association, afin de mettre commun des moyens (fonctions supports ou autres) au profit de leurs membres.

    Les arrêts réservent donc l’exonération aux seuls membres de ces groupements relevant du Livre III ou de ces dernières structures, sous réserve que l’activité de ceux-ci puisse bien être qualifiée d’intérêt général au sens de la directive.

    A contrario, les refacturations du groupement à la ou aux mutuelles du Livre II ou aux institutions paritaires, ne pourront plus bénéficier de l’exonération de TVA concernée.

    Il s’agit d’une petite révolution dont on ne voit pas très bien le sens, si l’on se réfère à la philosophie de la taxe sur la valeur ajoutée.

    Comment en effet, alors que ce dispositif exonératoire était prévu depuis la 6ème directive du 17 mai 1977, a fonctionné sans remise en cause des autorités tant nationales qu’européennes, au profit notamment des entreprises d’assurance, et a même été entériné par la CJUE elle-même, dans un arrêt du 20 novembre 2003 (taksatorringen), comment peut-il être ainsi amputé aussi violemment en l’espace de trois arrêts par la même Cour de Justice ?

    La réponse laisse pantois : l’exonération dont s’agit - reprise à l’article 261 B de notre Code Général des impôts - figure à l’article 132 paragraphe 1 sous f), de la directive 2006/112 ; elle est prévue comme suit :

    « Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

    f) les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n’ont pas la qualité d’assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l’exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence  ».

    A la lecture de cette disposition, aucune restriction n’apparait quant au champ d’application de l’exonération (du moins aucune autre que celles qu’il renferme lui-même).

    C’est d’ailleurs ce qui a permis aux autorités fiscales des Etats membres d’en faire une interprétation littérale en en étendant le bénéfice à tous les groupements autonomes constitués par des entreprises proposant à leurs adhérents ou clients des prestations d’assurance elles-mêmes exonérées de TVA.

    Mais le diable se cache souvent dans les détails : sans contester la rédaction de l’article 132 paragraphe 1 sous f), la Cour relève que dans la nomenclature de la directive, celui-ci relève d’un chapitre 2 intitulé « Exonération en faveur de certaines activités d’intérêt général  ».

    Se fondant sur cet intitulé, la Cour relève en substance :

    • que les dispositions de la directive relatives aux exonérations de TVA doivent être interprétées strictement,
    • que l’intitulé du chapitre fait référence aux activités d’intérêt général du membre du groupement,
    • que les autres exonérations prévues audit article, correspondent bien à des activités d’intérêt général (services publics postaux, hôpitaux, soins médicaux ou dentaires, maison de retraite, éducation, enseignements, sport, et, d’une façon plus générale, les organismes à but non lucratif …),
    • que le chapitre III est intitulé « Exonérations en faveur d’autres activités  » et que l’on y retrouve les activités d’assurance,

    La Cour conclut que l’exonération p
    révue audit article « ne vise que les GAP dont les membres exercent des activités d’intérêt général mentionnées à cet article  ».

    En l’espèce, et dans les trois arrêts, la Cour s’est paradoxalement montrée plus rigoureuse que la Commission européenne elle-même qui défendait une lecture plus large de la directive.

    Certes, le titre du chapitre est clair, mais peut-il à lui seul faire basculer un mécanisme d’exonération qui fonctionne à la satisfaction de tous depuis précisément 40 ans ? Certes la CJUE invoque la finalité du texte consistant, à propos des activités d’intérêt général, à « faciliter l’accès à certaines prestations, ainsi que la fourniture de certains biens en évitant le surcoût qui découlerait de leur assujettissement à la TVA  ». Mais elle oublie, nous semble-t-il, la philosophie des mécanismes de la TVA incluant celle-ci dans une chaine en vue de faire supporter l’impôt par le consommateur final.

    Or, dans le domaine de l’assurance, le consommateur final ne supporte pas la TVA puisque la prestation en est expressément exonérée. La philosophie de l’article 13 A, devenu l’article 132 1° sous f), était précisément d’éviter que des prestations fournies à prix coûtant à des opérateurs exonérés par un groupement qu’ils auraient constitué, ne puissent être soumis à une taxe sur laquelle personne ne pourrait exercer son droit à déduction.

    La jurisprudence ainsi rendue risque naturellement d’alourdir le prix de la prestation d’assurance du surcoût correspondant.

    Nul doute que chacun va s’employer, dans les semaines qui viennent à rechercher une solution à cette difficulté nouvelle.

    mm
  • Publié le 27 septembre 2017
  • Dépèche n°24507

pastille cfc

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