Ardemment et logiquement porté par Cédric O, secrétaire d’État au numérique, l’application StopCovid devrait finalement être proposée au public dans les prochains jours, la Cnil ayant donné son feu vert.
Dès sa genèse, le projet a suscité de virulents débats, portant notamment sur le respect des données personnelles et la dépendance à des technologies étrangères. Sur chacun des deux points, les risques semblent maîtrisés. Pour le premier, la Cnil veille au grain, et l’a dit haut et fort. Sur le second, le gouvernement a écarté le recours aux technologies propriétaires proposées, notamment, par Google ou Apple au prix d’une hypothèque sur la solidité de l’application, notamment dans ses liaisons avec les technologies embarquées (comme le bluetooth).
D’autres risques, peu abordés dans le débat public, méritent une grande attention.
Le premier repose sur un paradoxe : l’outil numérique d’aide au déconfinement ne risque-t-il pas de participer à un regain de pandémie ? La question n’est pas stupide au regard de la culture numérique française. À partir du moment où, fort heureusement d’ailleurs, l’usage de cette application est strictement volontaire, ses effets néfastes seront inversement proportionnels à l’engouement qu’elle suscitera. Or, cela est loin d’être acquis à en croire les sondages. Une faible utilisation aggravera le risque de contacts car, fort de la protection illusoire apportée par son smartphone, l’utilisateur lambda n’imaginera pas qu’il est peut-être le seul, dans ce grand magasin où il fait ses courses, à l’utiliser. Pas de risque que son téléphone se mette alors à bipper. Par contre, celui de croiser d’un peu près un porteur, même asymptomatique, est bien réel. Et accru.
Chacun s’accorde à dire que le confinement, et sa poursuite dans le respect des gestes barrières et des distances de sécurité, a joué un rôle majeur dans la lutte contre l’épidémie et qu’il ne faut aucun relâchement. Mais StopCovid ne sera-t-elle pas une invitation au relâchement ? La question se pose sérieusement.
Le second risque n’est pas sanitaire, ou pas essentiellement, mais d’ordre social. StopCovid étant une application pour smartphone, il implique bien entendu d’en être porteur. Or, si plus de 95 % de la population a un téléphone mobile, l’usage du smartphone, même en progression, ne concerne qu’une part de l’utilisation. Environ 20 % des Français ne pourront pas charger l’application.
D’ordre social car les statistiques disponibles montrent bien que l’usage du smartphone est directement corrélé avec plusieurs facteurs : l’âge de l’utilisateur, son niveau d’étude et, surtout, son niveau de revenus.
Ainsi, seulement 46 % des personnes non diplômées ont un smartphone contre 87 % dès le baccalauréat. Seulement 44 % des personnes de plus de 70 ans, 62 % des 60-69 ans utilisent ce type de mobile contre plus de 95 % pour les 18-39 ans. Enfin, 72 % des personnes aux bas revenus ont un smartphone contre 85 % dans les personnes aux revenus supérieurs.
On le voit, faire reposer la lutte contre la Covid-19 dépasse largement la problématique, bien réelle, du respect des droits individuels...
mm