Ce 1er octobre 2020 un décret fera disparaître des tablettes un certain nombre d’enseignes de produits d’épargne retraite (Corem, Préfon, contrats Madelin…). Bien évidemment, seules les enseignes disparaissent. Dans la ligne de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises publiée au JO du 23 mai 2009, mais surtout du décret d’application du 1er octobre 2019, les entreprises étaient invitées à présenter à leurs salariés une offre simplifiée et harmonisée, le PERe (plan d’épargne retraite d’entreprise).
Ce premier décret précisait que les épargnants disposant déjà d’un produit d’épargne retraite individuel ou collectif (Perp et Perco, mais aussi Corem, Préfon, CRH, contrats Madelin, plans de l’article 83 du code général des impôts) pouvaient, s’ils le souhaitaient, transférer leur épargne dans le nouveau Plan d’épargne retraite (PER). Ce transfert facultatif pendant un an, devient aujourd’hui obligatoire puisque le nouveau décret stoppe la commercialisation des anciens produits.
Une offre ancienne et pléthorique
Sur un plan purement historique, une page se tourne. Il faut en effet rappeler que si la retraite en France est principalement placée sous le signe de la répartition (les cotisations payées par les actifs permettent de payer les retraites des inactifs), depuis plus de 70 ans des formules de capitalisation ont été mises en place au profit de certaines catégories sociales.
- Le Cref (complément retraite des fonctionnaires), qui a compté jusqu’à 450 000 adhérents, avait été mis en place par la Mutualité en 1949 au profit des instituteurs de la FEN (fédération de l’éducation nationale). Proposé aux personnels des PTT, puis aux adhérents de la Mutualité fonction publique, il sera fermé en 2002 et remplacé par le Corem, géré par l’Union mutualiste retraite.
- Préfon a été créé en 1964 par quatre syndicats (la CGT s’est opposée à sa mise en place) et géré par un pool d’assureurs. Destiné aux fonctionnaires ce dispositif compte actuellement un peu moins d’un demi-million d’adhérents (cotisants et bénéficiaires) et a souvent fait l’objet de critiques pour des rendements très insuffisants par rapport à d’autres produits existant sur le marché. Cette formule apparaît surtout comme un outil de défiscalisation pour les fonctionnaires de catégorie A. Il a souffert, depuis 2003, de la mise en place du régime additionnel de la fonction publique.
- Le CGOS (complément des œuvres sociales), créé en 1961, était destiné aux agents hospitaliers. Comme le Cref, il souffrait d’un vice de construction tenant au fait qu’il fonctionnait pour partie en répartition facultative. Circonstance aggravante, plus de 350 000 agents ont souscrit, avant de s’apercevoir que la rente servie n’était garantie que sur une durée de 5 ans. La formule gérée par les AGF collectives a donc été transformée en CRH (complément retraite hospitalier) et un plan de consolidation sur vingt ans a été adopté en 2008.
- Les contrats Madelin ont été créés en 1994 par la loi « Initiative et entreprise individuelle ». Cette formule au profit des entrepreneurs individuels, commerçants, artisans, professions libérales… n’a pas trop mal fonctionné, bien qu’aucun chiffre fiable sur le nombre de bénéficiaires puisse être avancé.
- Les Perp (plans d’épargne retraite populaires) et Perco (plans d’épargne retraite collectifs), créés par la réforme des retraites Fillon de 2003, ont connu des fortunes diverses. Les premiers, qui n’avaient de « populaires » que le nom, n’ont pas remporté un succès escompté. En revanche, les seconds, mis en place obligatoirement dans les entreprises disposant déjà d’un PEE (plan d’épargne d’entreprise), ont enregistré un succès relatif.
- Dans le cadre des entreprises, des contrats à cotisations définies de l’article 83 du CGI permettent à tout ou partie des salariés de bénéficier d’un plan d’épargne retraite supplémentaire. Une partie des cotisations est prise en charge par l’entreprise. Ces plans se sont surtout développés dans les grandes entreprises.
- On ajoutera enfin que tous les Français peuvent s’ils le désirent souscrire un contrat d’assurance vie dans des conditions fiscales avantageuses et en faire un vrai produit retraite. Ils ne s’en sont pas privés, tant les déductions fiscales étaient avantageuses.
L’épargne retraite n’a jamais décollé
Ce bref panorama témoigne de la diversité des produits. Une analyse plus fine et plus détaillée montrerait que de l’un à l’autre des différences existent. Ainsi la déductibilité fiscale des versements volontaires sur un Perco n’existe pas, alors qu’elle est possible sur les autres produits. Sur l’investissement de l’épargne accumulée le Perco ne peut placer que dans des FCPE (fonds communs de placement d’entreprise) ou des Sicav (société d’investissement à capital variable). Pour les autres produits, les actions et obligations sont autorisées. La portabilité, totale pour un Perp était, limitée pour les autres produits. Seul le Perco prévoyait une sortie anticipée du plan pour achat de la résidence principale.
Il était également le seul à permettre une liberté de choix entre la rente et le capital pour la sortie, les autres produits limitant la possibilité de sortie à la rente plus conforme à l’esprit de la retraite (le Perp autorisait une petite sortie en capital mais dans la limite de 20 % de l’épargne accumulée).
Cette diversité des situations n’a sans doute pas favorisé le développement des différentes formules d’épargne retraite. C’est si vrai que dans un pays comme la France où le niveau d’épargne est l’un des plus élevés du monde (500 Md€), elle ne représente que 230 Md€ d’encours, contre plus de 1 700 Mds pour l’assurance vie et 400 Md€ pour l’épargne réglementée (livret A et Livret de développement durable et solidaire, ex-codevi).
L’obstacle est plus culturel que technique
C’est peu et la loi Pacte visait précisément à donner un coup d’accélérateur à l’épargne retraite en favorisant une plus grande portabilité des produits pour tenir compte de la mobilité croissante qui s’observe dans le monde du travail. D’où l’harmonisation opérée et la fusion de tous les dispositifs existants en un seul, le PER. Cette solution présentait, en outre, l’avantage d’être en ligne avec l’universalisation des régimes de retraite aujourd’hui en panne.
L’objectif sera-t-il atteint ? Il est vrai que la période de crise sanitaire a été propice à la constitution d’une épargne de 60 Md€ qui s’est massivement investie dans l’assurance vie, qui a retrouvé le mois dernier un niveau de collecte équilibré par rapport à ses décaissements, et dans le livret A en dépit d’un taux d’intérêt de 0,5 %. Il est vrai aussi que les incertitudes sur les retraites s’accroissent avec la dégradation de la situation économique.
Pour autant, il n’est pas certain que sur la durée le PER réponde aux attentes de ses promoteurs. D’abord parce que les montants des pensions de retraite restent encore élevés et que rien n’indique pour le moment qu’ils doivent baisser. Le gouvernement ne s’y risquerait pas… Ensuite parce que les déboires rencontrés par les anciens produits d’épargne retraite sont loin d’être oubliés. Il faut encore rappeler que tous les produits en capitalisation se développent à coup d’avantages fiscaux. Dans un pays comme la France, où seulement 42 % des ménages paient l’impôt, 58 % des ménages qui ne le paient pas n’ont objectivement pas intérêt à placer leur agent dans un produit défiscalisé. Enfin, la préférence culturelle affichée par les Français pour la répartition depuis 1942, leur méfiance pour une capitalisation, qui avait ruiné les épargnants d’avant-guerre et la perspective de pensions « jouées en Bourse », sont autant d’arguments qui ne plaident pas en faveur d’un développement de la capitalisation. Aujourd’hui, pas plus qu’hier…
mm